ESSAI | On en a douté un instant. Vérifications faites, Kafka semble bien être le véritable nom de l’auteur de Le démon de l’écriture.
Plutôt cocasse pour un ouvrage consacré à la paperasse administrative et à tout ce qu’elle peut impliquer de situations absurdes… Chacun y a été un jour ou l’autre confronté: la course au document, l’attestation qui manque, le formulaire qui a disparu… Car c’est bien de cela dont il est ici question: la bureaucratie et ses lenteurs, prisonnière de textes en tous genres -PV, textes légaux, actes divers… Enseignant la théorie des médias à l’Université de New York, Kafka cite notamment Saint-Just: « Les bureaux ont remplacé le monarchisme: le démon d’écrire nous fait la guerre, et l’on ne gouverne point. » Un discours prononcé en 1793, en pleine Terreur, au terme duquel les députés français votèrent la suspension de la Constitution. « La dictature était en place », écrit Kafka. L’auteur s’attarde longtemps sur la période charnière de la Révolution française. Normal: s’y cristallisent en effet tous les enjeux de la paperasserie. Ce qu’elle amène comme sécurité pour le citoyen. Mais aussi ce que son inflation produit comme névrose… Sont ainsi convoqués Freud et de Tocqueville, Marx et Balzac, Barthes et le mythe de Labussière, « simple » employé du comité de salut public qui sauva plusieurs centaines de personnes de la guillotine, en mangeant littéralement leur dossier…. C’est ce qui fait toute la saveur de l’analyse, souvent drôle, parfois alambiquée, de Kafka: montrer que la paperasserie n’est jamais neutre, créant autant d’attentes que de frustrations: « aussi efficace soit-elle, (elle) finit toujours par nous décevoir. Nous n’obtenons jamais ce que nous voulons. »
- De Ben Kafka, éditions Zones sensibles, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Alexandre Huillet. 180 pages.
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