Laurent Raphaël

Édito: Un été en pente raide

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Il s’en passe des choses en deux mois censés tourner au ralenti! Avant d’être emporté par le tumulte de la rentrée (numéro spécial la semaine prochaine) et pour différer encore un peu la perspective d’un hiver à la bougie offert par Electrabel, retour sur quelques instantanés incongrus, insignifiants, cocasses, désopilants, voire carrément flippants, péchés au large de la torpeur estivale, et qui trouveront certainement une petite place dans le classeur des souvenirs 2014, entre les odeurs de crème solaire, le clapotis amniotique des vagues, la charrette de décibels et les sempiternels « quel été pourri! » martelés comme un mantra de Blankenberge à Arlon.

Le mois de juillet commence par un acte de (re)naissance médiatique. L’émission culturelle Des mots de minuit de Philippe Lefait, rayée des tablettes de France2 en 2013 pour cause d’anémie audimétrique (sans doute la France compte-t-elle trop peu d’insomniaques puisque l’émission était diffusée le mercredi après les douze coups…), revient par la petite porte (celle du numérique) pour deux rendez-vous hebdomadaires. C’est mieux que rien mais ça sent quand même la relégation en deuxième division. Non sans ironie, France Télévisions espère refaire le coup de Taratata, qui a rebondi avec succès sur le Web après sa mise au placard par… France Télévisions. À quand une version on line deChamps-Elysées?

Retenez la leu0026#xE7;on: la prochaine fois qu’un SDF vous gu0026#xE2;che la vue, descendez votre paire de Bowers u0026amp; Wilkins et arrosez-le de Skrillex.

La musique adoucit les moeurs, dit-on. Ça dépend où. Pendant qu’aux Pays-Bas, au Danemark et Finlande, on installe des platines en béton (nom de code: Fono) dans les parcs publics pour que chacun puisse s’improviser DJ et, qui sait, déclencher une rave d’anthologie, à Landen, riante bourgade du Brabant flamand, on sort l’ampli, les enceintes et la techno non pour chasser la morosité mais bien les gens du voyage. Une décision du bourgmestre pour se débarrasser au plus vite d’un encombrant lot d’humains. Après le harcèlement moral et sexuel, place donc au harcèlement acoustique. Retenez la leçon: la prochaine fois qu’un SDF vous gâche la vue, descendez votre paire de Bowers & Wilkins et arrosez-le de Skrillex. En moins de 24h, il aura fait ses cartons…

Fin juillet, la presse, cette grande amnésique, ravalait ses sarcasmes d’antan pour idolâtrer post mortem le champion toutes catégories de la grimace et de la comédie franchouillarde hystérique: Louis de Funès. Prétexte au cirage de pompe à grande échelle: les 100 ans de sa naissance. Un réajustement de sa cote artistique qui ne surprend guère. À une époque où il est de bon ton de railler toute prétention intello, celui qui affirmait sans rire « je ne veux pas être trop cultivé; le public le sentirait » est raccord avec notre temps. Soyons clair, on n’a rien contre le bonhomme (sauf La Soupe aux choux, totalement indigeste). Sa faculté à endosser la mesquinerie jusqu’à son paroxysme et à ne pas se cacher derrière une image lisse et glamour force même le respect. Mais de là à voir dans Les Gendarmes de Saint-Tropez un chef-d’oeuvre du cinéma, il ne faut pas pousser.

On a pu le vérifier -non scientifiquement- sur les plages, les gens lisent de moins en moins. Et quand par miracle quelqu’un tient un livre entre ses mains, on a presque peur de voir la jaquette. Dans 90% des cas, on aura droit à une resucée du palmarès des meilleures ventes de Livres Hebdo. Un peu de Levy par-ci, un peu de Musso par-là, et entre les deux, une grosse louche de Pancol. Bonjour tristesse. On se consolera en se disant que c’est toujours mieux, ou moins pire, que ce qui nous attend. Le premier best-seller écrit avec l’aide d’une application type La Cité des mots, qui prétend vous aider à écrire un roman à coups de grosses ficelles racoleuses, ne devrait plus tarder à atterrir sur les serviettes…

Les vacances ont commencé sur une renaissance, elles se terminent temporairement sur un double avis de décès. Et non des moindres: Robin Williams d’un côté, Lauren Bacall de l’autre. Comment les décrire en deux mots? Une bonne bouille fracassée de l’intérieur pour le premier; un vitrail noir et blanc envoûtant taillé dans l’insolence et la grâce pour la seconde. Deux monstres sacrés de moins sur nos écrans, deux étoiles de plus dans le ciel. Pas de doute, c’est bel et bien un été pourri…

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