« Brillant », « haineux », « psychopathe »: Dieudonné vu par ses ex-amis

Dieudonné © AFP
FocusVif.be Rédaction en ligne

Elie Semoun, Alain Chabat, Joey Starr… Compagnons de route de Dieudonné, ils ont connu et apprécié l’humoriste avant de le voir s’enfermer dans son personnage et ses obsessions.

« Croyez-moi, jusqu’au bout on va leur foutre dans le cul! », s’esclaffe Dieudonné dans une vidéo mise en ligne sur Youtube le 21 décembre dernier. Mais qui parle ainsi? L’humoriste? Le citoyen? Ou le provocateur aux relents antisémites, déjà condamné six fois par la justice et à nouveau ciblé par une enquête pour « incitation à la haine raciale » ce lundi? Difficile d’y voir clair tant les différentes facettes du personnage se confondent.

Nicolas Anelka, pour sa part, ne se pose pas de questions. Le footballeur s’est fendu d’une « quenelle » après avoir marqué contre West Ham United et est désormais suspecté d’antisémitisme. Il « assume totalement » ce geste controversé qu’il voit comme « une dédicace » à son ami Dieudonné.

Pour tenter de cerner cette personnalité trouble, mieux vaut donc demander à ceux qui ont côtoyé l’humoriste voire partagé l’affiche avec lui. Amitié, regrets, trahison… Leurs confidences sur « Dieudo », son talent, ses lubies et ses dérapages en disent plus long sur lui que n’importe quel commentaire de texte de ses sorties. Focus Vif les a passées en revue.

« Comme si j’avais vécu aux côtés d’un psychopathe ou d’un pédophile »

Elie Semoun, son compère des années 1990 -le duo s’est séparé en 1997- en est l’exemple le plus marquant. Dès les premières sorties de route de Dieudonné, le comique se désolidarise: « Tu n’es plus celui que j’ai connu et avec qui je n’ai jamais autant ri », soupire-t-il dans une lettre ouverte dès 2004. En 2008, pourtant, Elie monte une dernière fois rejoindre son ancien acolyte sur scène.

La réconciliation sera de courte durée. Quelques semaines plus tard, le fossé qui sépare les deux hommes se rouvre. « C’est fini, terminé, confie-t-il à la Dépêche du Midi. C’est terrible, Dieudonné est ailleurs, dans le monde de la haine. Pour moi, c’est un traumatisme. C’est comme si j’avais vécu aux côtés d’un psychopathe ou d’un pédophile sans m’en apercevoir. » Des mots forts, à la mesure de la tromperie.

Depuis, le duo se rend coup sur coup. Le 5 octobre dernier, Elie Semoun assure chez Thierry Ardisson avoir été lésé financièrement par Dieudonné à l’époque de leur collaboration. « Ce sont tes origines qui remontent à la surface, qu’est-ce qui se passe? », réplique l’intéressé quatre jours plus tard sur sa chaîne Youtube. Nauséabond.

« Il s’est enfermé dans un personnage qu’il n’arrive plus à quitter »

Jamel Debbouze a lui aussi été gêné par cette cible mouvante entre humour provocateur et antisémitisme. Sa solidarité envers l’humoriste n’a pas survécu à la surenchère. « J’ai soutenu Dieudonné dans son combat pour la liberté d’expression, contre les extrémistes et pour les Noirs. Je pensais à cela quand j’ai lancé: ‘Tu dis tout haut ce que tout le monde pense tout bas' », s’est-il expliqué dans Le Figaro en 2005. Mais « il s’est enfermé dans un personnage qu’il n’arrive plus à quitter, poursuit-il. Ce n’est pas possible qu’il croie que les Israéliens ont inoculé le sida aux Africains. En tout cas, moi, je me désolidarise de ces propos intolérables. » Depuis, Jamel est devenue une des cibles privilégiées de la « Dieudosphère ».

Gad Elmaleh, qui a partagé le micro avec lui sur la chanson J’ai la haine (2000) figure également au premier rang des « ex ». « Il faut arrêter d’excuser, de tourner autour du pot sous prétexte que Dieudonné a du talent (…) ce qu’il dit ce sont des idées profondément antisémites », tranchait-il déjà en 2005 sur Canal +. Lui aussi fait l’objet depuis d’attaque ciblées de Dieudonné et ses légions.

« Je me demande s’il n’a pas confondu combat et fonds de commerce »

Malgré les dérives, Joey Starr n’en démord pas: « En tant qu’artiste, franchement, il est drôle, il est brillant, confie le rappeur au Monde daté du 28 décembre. Mais là, je me demande s’il n’a pas confondu combat et fonds de commerce », assène-t-il. Et pour cause: peu importe les polémiques -ou grâce à elles, c’est selon-, son business se porte bien.

Alain Chabat, qui l’a fait jouer pour la première fois au cinéma dans Didier (1996) puis dans Astérix et Obélix: Mission Cléopâtre (2002), est tout aussi réservé quant aux combats de l’humoriste. En 2004, il explique à Libération qu’il « ‘ne reconnaît pas le Dieudo’ qu’il aime ». « Ca m’étonne: où veut-il aller, au fond? », s’interroge Chabat. Tout le désarroi des compagnons de route de « Dieudo » exprimé en quelques mots.

Adrien Sénécat

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