Critique

Lettre à Momo

Lettre à Momo © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

ANIMATION | Hiroyuki Okiura, le réalisateur de Jin-Roh: la brigade des loups, signe, avec Lettre à Momo, un conte animé envoûtant, autour d’une fillette devant faire le deuil de son père.

Voilà plus de dix ans déjà que l’on espérait le second long métrage de Hiroyuki Okiura, auteur en 1999 avec Jin-Roh: la brigade des loups, d’un coup d’essai aux allures de coup de maître. Si Lettre à Momo traduit un changement sensible d’inspiration, le résultat est assurément à la mesure des attentes: le cinéaste japonais y réalise une merveille d’animation, conte fantastique brassant des thèmes aussi sensibles que le deuil, le sentiment de culpabilité et la difficile reconstruction.

Au coeur du film, on trouve Momo, adolescente de 11 ans, partie, à la mort de son père, s’installer avec sa mère Ikuko dans une petite île de la mer intérieure de Seto. Elle va y découvrir un endroit où le temps semble s’être arrêté, à l’instar de l’horloge ornant le mur de la maison de son grand-oncle, en une disposition propice à l’ennui et plus encore au spleen, attisé, si besoin en était, par la dispute qui l’avait opposée au défunt à la veille de son départ. Et de s’abandonner au fil mélancolique de ses pensées, absorbée par le mystère d’une lettre que lui destinait le disparu, n’ayant toutefois trouvé le temps de coucher sur papier que ces quelques mots: « Chère Momo ». Circonstances troubles dans lesquelles la fillette va rencontrer de curieuses créatures échappées des pages d’un roman illustré, les yôkai, un trio d’esprits facétieux aux pouvoirs surnaturels…

Du côté de chez Ghibli

Sept ans ont été nécessaires à Hiroyuki Okiura pour réaliser son Lettre à Momo. Le cinéaste nippon a en effet opté pour une animation traditionnelle à la main pour mettre en scène ce drame familial sensible doublé d’un séduisant récit d’apprentissage. Le résultat est de toute beauté, qui inscrit le propos dans un cadre d’une souveraine sérénité, tout en voyant les personnages se parer d’expressions multiples – Momo est, à cet égard, une réussite exemplaire, au même titre d’ailleurs que des esprits venus donner à ce récit réaliste sa coloration fantastique. A leur suite, et tandis que les éléments naturels se déchaînent à leur tour, le scénario s’aventure en un terrain qui apparaîtra forcément familier aux amateurs de Hayao Miyazaki. Mais si son film évoque Mon voisin Totoro, Ponyo et la falaise ou Le Voyage de Chihiro, parmi d’autres, le mérite de Okiura est toutefois d’avoir su imposer à cette histoire sa griffe personnelle, jusqu’à faire transparaître une âme humaine derrière chaque trait. Développé au sein du studio Production I.G. (où ont été réalisés notamment Ghost in the Shell mais aussi les séquences animées de Kill Bill), Lettre à Momo vient témoigner de la richesse de l’animation nippone. Soutenant allègrement la comparaison avec les productions Ghibli, c’est là un pur enchantement, un film subtil, aérien et singulièrement émouvant; comme délicieusement arraché à la marche du temps.

  • Conte fantastique de Hiroyuki Okiura. 2h. Sortie: 16/10.
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