Critique

Le film de la semaine: Hungry Hearts, anatomie d’un couple

Adam Driver et Alba Rohrwacher dans Hungry Hearts. © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Saverio Costanzo ausculte la relation d’un couple se refermant sur lui-même. Un film troublant, admirablement incarné par Alba Rohrwacher et Adam Driver.

En quelques longs métrages à peine, Saverio Costanzo s’est affirmé comme l’une des voix les plus singulières du nouveau cinéma italien, l’auteur notamment de l’austère In Memoria di Me, et son questionnement sur la Foi, mais aussi de La Solitude des nombres premiers, remarquable adaptation du roman de Paolo Giordano. Pour son premier film anglo-saxon, le réalisateur romain a mis le cap sur New York, où il inscrit l’histoire d’un couple, Jude (Adam Driver) et Mina (Alba Rohrwacher). Une relation entamée sous des auspices inusités, puisque ces deux-là se rencontrent dans les toilettes exiguës d’un restaurant chinois, où les a coincés un tour du destin; circonstances aussi absurdes qu’inconfortables qui auront le don de les rapprocher dans un fou rire…

Un coup de foudre plus loin, et les voilà goûtant à un bonheur sans nuages, tout à leur union quasi fusionnelle. Moment où, tombée enceinte, Mina commence à changer insensiblement, persuadée qu’elle est de détenir seule les clés du bonheur d’un enfant dont son instinct maternel lui dicte qu’il sera unique. Et d’adopter un comportement obsessionnel qui va s’accentuer à la naissance du nourrisson, qu’elle décide d’élever suivant des méthodes naturelles, au mépris des conseils des médecins et de toute ingérence extérieure, pour se replier toujours plus sur elle-même, coupée de la réalité. Une situation que Jude observe, plus ou moins consentant, avant de réaliser que la santé même de son fils se trouve menacée…

Fausse tranquillité

Son principe claustrophobique posé dès sa magistrale scène d’ouverture, Hungry Hearts s’emploie à ausculter cette relation dont le vernis idyllique dissimule la toxicité étouffante. Une entreprise que Saverio Costanzo conduit avec une incontestable maîtrise, s’écartant sans en avoir l’air d’un schéma voisin de la comédie romantique pour glisser insidieusement dans l’angoisse, au plus profond de laquelle son film s’enfonce, porté par une mise en scène à l’élégance tranquille et inquiète à la fois. Il y a là les bases d’un drame psychologique intense, distillant le trouble à mesure qu’une onde de suspicion mutuelle s’empare de ses protagonistes, qu’incarnent magistralement Adam Driver, tout en douceur fébrile, et Alba Rohrwacher, fragile jusqu’au malaise. Récompensé d’un double prix d’interprétation lors de la dernière Mostra de Venise, leur duo est de ceux qui ne s’oublient pas, donnant à l’inexorable dérive de ce couple les contours d’une tragédie contemporaine bouleversante. C’est dire aussi si, en dépit d’un final par trop forcé et faisant largement écho au cinéma de genre, ce film intimiste puissant laisse une impression indélébile.

DE SAVERIO COSTANZO. AVEC ALBA ROHRWACHER, ADAM DRIVER, ROBERTA MAXWELL. 1H49. SORTIE: 15/04.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content