[Critique ciné] Happy End: le cinéma de Haneke a gagné en humour sarcastique

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Michael Haneke se livre à un véritable jeu de massacre, dézinguant méticuleusement cette famille trop accaparée par ses dérisoires affaires,

[Critique ciné] Happy End: le cinéma de Haneke a gagné en humour sarcastique
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« Tout autour le Monde et nous au milieu, aveugles. » Lapidaire, la formule tenant lieu de synopsis à Happy End, le nouveau film de Michael Haneke, en circonscrit limpidement le propos. Le réalisateur autrichien y met en scène des Bourgeois de Calais à sa façon, les Laurent en l’occurrence, une famille dysfonctionelle d’industriels du Nord. Soit Georges, le patriarche grincheux (Jean-Louis Trintignant), pressé d’en finir; Anne (Isabelle Huppert), la fille, gérant sans plus d’états d’âme l’entreprise de construction familiale que ses relations houleuses avec son fils, Pierre (Franz Rogowski); Thomas (Mathieu Kassovitz), son frère récemment remarié, aux intentions insondables; et puis, la petite-fille, Ève (Fantine Harduin), née d’un précédent mariage de Thomas, et débarquée dans l’hôtel particulier leur tenant lieu de résidence après l’hospitalisation de sa mère, tombée dans le coma. Sans oublier ceux qui gravitent autour: le couple d’employés de maison marocains, et puis, présence diffuse, ces migrants qui, sporadiquement, s’invitent dans le champ.

Avec ce film au titre ironique, écho en cela à Funny Games, Michael Haneke se livre à un véritable jeu de massacre, dézinguant méticuleusement cette famille trop accaparée par ses dérisoires affaires, sentimentales ou professionnelles d’ailleurs, que pour porter la moindre attention au drame se jouant à ses portes. Le procès en indifférence coupable est virulent, il n’en apparaît pas moins un peu vain, le réalisateur forçant le trait à l’excès. En dehors de quoi ilsemble se livrer, pour l’essentiel, à un inventaire de son cinéma, et cela dès l’ouverture magistrale sur l’écran du téléphone portable avec lequel une ado filme et commente les gestes machinaux d’une mère qu’elle honnit, avant de tester sur son hamster le sort qu’elle lui destine. On pense à Benny’s Video et la suite du film, guère plus confortable et explorant les thématiques familières du cinéaste autrichien, cite aussi bien Caché que La Pianiste ou Amour, en une entreprise autoréférentielle exécutée avec la rigueur clinique qu’on lui connaît. La raideur sentencieuse guette, mais ce qu’il a perdu en tranchant, le cinéma de Haneke l’a gagné en humour, sarcastique s’entend. À quoi l’exceptionnelle partition de Jean-Louis Trintignant, qui trouve en la toute jeune comédienne belge Fantine Harduin une complice idéale, ajoute un soupçon bienvenu de légèreté, n’ôtant rien à la tonalité morbide du film, bien de circonstance il est vrai.

De Michael Haneke. Avec Jean-Louis Trintignant, Isabelle Huppert, Fantine Harduin. 1h48. Sortie: 04/10.

>> Lire également notre interview de Michael Haneke.

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