Critique

[Critique ciné] El Ciudadano ilustre, les nouveaux sauvages

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

COMÉDIE NOIRE | Avec El Ciudadano ilustre, Mariano Cohn et Gastón Duprat signent une comédie noire venue témoigner de la vitalité du cinéma argentin. Grinçant et drôle.

Dans l’esprit de Daniel Montovani (Oscar Martinez), le Prix Nobel de littérature a consacré la fin de son aventure créative. Et l’écrivain argentin, exilé à Barcelone, de ne courir que mollement après l’inspiration, non sans décliner avec constance les honneurs et autres sollicitations. Jusqu’au jour où Nuria (Nora Navas), son assistante, lui fait part d’une invitation émanant de sa ville natale, Salas, désireuse d’en faire son citoyen d’honneur. Est-ce parce qu’il n’y a plus mis les pieds depuis 40 ans? Toujours est-il que Montovani décide, contre toute attente, de répondre favorablement.

S’il avait imaginé un retour triomphal, les circonstances vont en décider autrement, son voyage débutant sur une panne de voiture au beau milieu de la pampa –« quand ils verront qu’on n’est pas là, ils viendront bien nous chercher », lui assure le chauffeur en réponse à son impatience. Le prélude à un séjour plus mouvementé qu’escompté: chaleureux dans un premier temps, l’accueil de la population se fait progressivement plus ambivalent. L’écrivain volontiers pontifiant a fait de la morne bourgade et de ses habitants son principal sujet d’inspiration, en effet. Et si sa notoriété rejaillit sur la petite ville, qui voit en lui l’équivalent d’un Jorge Luis Borges, la controverse s’invite aussi dans son sillage, certains de ses anciens concitoyens n’appréciant que fort modérément d’avoir été instrumentalisés pour être dépeints sous un jour guère favorable…

Série noire

[Critique ciné] El Ciudadano ilustre, les nouveaux sauvages

Avec El Ciudadano ilustre (Citoyen d’honneur en vf), Mariano Cohn et Gastón Duprat signent un petit bijou de comédie grinçante, revisitant l’adage voulant que nul ne soit prophète en son pays. Découpé en cinq chapitres, le film suit une mécanique aussi implacable que jouissive, venue transformer ces retrouvailles en quelque cruel fiasco, l’écrivain s’embourbant dans ses contradictions et lâchetés tandis que s’affrontent deux conceptions du monde. Une logique que les auteurs poussent jusqu’à l’absurde, au risque de quelques longueurs et répétitions -le film ressemble parfois à une accumulation de sketches-, impression que tempère toutefois une ironie jamais prise en défaut. S’y ajoute la prestation quatre étoiles d’Oscar Martínez, d’ailleurs récompensé à Venise, accueillant cette série noire le conduisant de Charybde en Scylla avec une apparence impavide n’étant pas sans rappeler celle de Toni Servillo dans Il Divo. De quoi porter le propos vers des sommets d’humour acide. L’on pense d’ailleurs forcément à Relatos Salvajes, de Damián Szifrón, ces Nouveaux sauvages qui avaient fait souffler un vent de fraîcheur bienvenu sur Cannes en 2014…

DE MARIANO COHN ET GASTÓN DUPRAT. AVEC OSCAR MARTÍNEZ, DADY BRIEVA, ANDREA FRIGERIO. 1H58. SORTIE: 19/04. ***(*)

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