Critique

[Critique ciné] Chez nous: Lucas Belvaux s’attaque au Front National

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DRAME | Lucas Belvaux inscrit Chez nous dans le débat sur la montée de l’extrême-droite populiste. Une démonstration trop appuyée.

C’est pendant le tournage de Pas son genre, à Arras, que Lucas Belvaux a conçu le projet de Chez nous. Réalisant que 30% au moins des sympathiques figurants du film devaient voter Front National, il en fut troublé, se demanda aussi à qui sa jeune coiffeuse allait accorder son suffrage, après l’échec et la déception de son histoire d’amour avec un prof de philo parisien… Reprenant à juste titre la même et excellente interprète, Émilie Dequenne, il a imaginé l’histoire d’une infirmière apolitique mais que les dirigeants d’un parti populiste ressemblant au FN vont tenter de convaincre de se présenter aux élections « pour changer les choses« . Confrontée à une réalité sociale pénible, qu’elle affronte quotidiennement de par son métier, Pauline s’engagera, au risque de choquer certains de ses proches et de se voir manipulée par une organisation n’ayant pas révélé tous ses secrets…

Le cinéaste belge n’a jamais caché une sensibilité sociale qui marque régulièrement son cinéma, par ailleurs ouvert au polar, au thriller. La Raison du plus faible, Rapt, 38 témoins, Pas son genre posent notamment des questions de morale, interrogent la solidarité, les rapports de classe, toujours sans lourdeur démonstrative et avec une justesse humaine qu’on retrouve aussi dans Cavale, l’épisode de sa fameuse trilogie de 2002 où il se mettait lui-même en scène dans un personnage d’activiste d’extrême-gauche évadé de prison.

Filmer utile

[Critique ciné] Chez nous: Lucas Belvaux s'attaque au Front National

Chez nous est son premier film situé directement dans le milieu de la politique. Et il sort en pleine campagne électorale pour les présidentielles, avec Marine Le Pen en tête des intentions de vote. Dans un contexte plus large, aussi, qui voit le populisme l’emporter tant aux États-Unis avec Trump qu’au Royaume-Uni avec le Brexit et à l’Est de l’Union Européenne où refleurit le nationalisme le plus fermé. On comprend l’urgence qu’a pu ressentir Belvaux de prendre à bras-le-corps le sujet crucial de la peu résistible montée de la droite extrême. Et de le traiter… frontalement. Ce faisant, il a pris le risque de simplifier les choses, de mettre son film au service d’un message, ce qu’il s’était bien gardé de faire jusqu’ici. Il l’a fait en conscience, nul ne peut en douter. Et avec la conviction de filmer utile, voire nécessaire. Mais sur cette voie d’un cinéma citoyen, engagé, directement politique, Lucas Belvaux n’a pu éviter certains pièges. À commencer par celui d’une écriture où chaque séquence (ou presque), chaque réplique (ou presque), doit absolument faire sens. Son langage cinématographique, d’habitude si puissant d’une force subtilement retenue, s’en retrouve appauvri. Chez nous alimentera certainement le débat. Peut-être (on peut l’espérer) ouvrira-t-il certains yeux. Mais son souci de démontrer, de porter des idées de manière efficace, en fait le moins réussi et le moins profondément humain des films de son auteur. Comme si le cinéma didactique n’était pas son genre…

DE LUCAS BELVAUX. AVEC ÉMILIE DEQUENNE, ANDRÉ DUSSOLLIER, GUILLAUME GOUIX. 1H58. SORTIE: 01/03. ***

>> LIRE ÉGALEMENT NOTRE GRAND ENTRETIEN AVEC LUCAS BELVAUX.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content