Bridges, East of West Fest: à l’Est, du nouveau

Hostages © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

À Bozar, Bridges, East of West Film Fest prend le pouls des cinémas des pays situés aux confins orientaux de l’Europe.

Géorgie, Ukraine, Arménie, Azerbaïdjan, Moldavie et Biélorussie. Des pays situés à la lisière orientale de l’Europe, ayant tous quitté le giron de l’empire soviétique et tous voisins d’une Russie avec laquelle ils entretiennent des relations plus ou moins consenties. Six pays et autant de cinématographies peu ou pas présentes sur nos écrans, commerciaux du moins. Bozar, dont la cellule cinéma dirigée par Juliette Duret n’est jamais en reste de curiosité ni d’ouverture, leur consacre une manifestation des plus intéressantes en ce début d’année. Bridges, East of West Film Festpropose un panorama de ces cinématographies des confins, travaillant l’Histoire et la mémoire, creusant aussi la question d’une identité longtemps niée, réprimée. Ce festival de cinq jours présente une douzaine de films, en présence de leurs réalisateurs et réalisatrices. Élargissant le spectre d’Ukraine on Film, manifestation organisée en 2015 et 2016, Bridges, East of West Film Festest appelé à devenir un événement annuel et d’importance dans l’agenda cinématographique bien fourni de Bozar.

When the Earth Seems to Be Light
When the Earth Seems to Be Light

L’audace après les restrictions

« Le commun dénominateur des six cinématographies représentées est évidemment leur passé profondément enraciné dans l’Histoire de l’URSS, explique Tamara Tatishvili, du Georgian National Film Center. Même soumis à la répression, à la censure et à la propagande, le cinéma est resté un véhicule d’expression très vivant. Très différents en termes de langage cinématographique, les films de ces pays font preuve d’audace après des décennies de restrictions. Ils ont aussi en commun de recourir volontiers à l’allégorie, qui permet d’aborder les sujets les plus problématiques dans des pays qui ont chacun pris des directions différentes -tant sociales que politiques- après la chute de l’Union Soviétique. » Tamara Tatishvili se partage entre Tbilissi et Bruxelles, où elle représente la Géorgie à Eurimages. Elle est également productrice de Hostages, un des films projetés dans le cadre de Bridges et qui relate une tentative avortée de quelques jeunes cherchant à détourner un avion pour fuir le pays au début des années 80. À propos du cinéma géorgien d’aujourd’hui, Tatishvili célèbre -à juste titre- sa diversité, soulignée par la présence à Bozar, outre Hostages, de films aussi différents que Scary Mother (sur une épouse et mère dont le désir de devenir écrivaine est incompris des siens), When the Earth Seems to Be Light (un documentaire sur de jeunes skateurs à la marge) et Dédé (tragédie située dans un village reculé où les traditions déterminent le destin d’une jeune femme refusant un mariage arrangé). « Le défi essentiel est de développer un parc de salles qui n’était que de… sept écrans il y a seulement cinq ans, poursuit notre interlocutrice, de créer un véritable marché pour nos films que les spectateurs géorgiens apprécient énormément comme le prouvent certains succès récents. »

Scary Mother
Scary Mother

Regarder vers l’Europe

« En Ukraine, les films locaux représentent aujourd’hui entre 3 et 4 % des entrées, contre moins d’1% voici quelques années« , déclare Denis Ivanov, producteur et distributeur basé à Kiev avec sa société Arthouse Traffic. Son point de vue se nourrit d’une expérience déjà riche de centaines de films. Et aussi de festivals comme celui d’Odessa, fondé par Arthouse Traffic au début de cette décennie. « L’Histoire politique, le passé sous l’empire soviétique, la révolution et la guerre -elle embrase toujours l’Est du pays!- se reflètent évidemment dans le cinéma ukrainien actuel, par exemple avec The Trial (évocation du procès fait au réalisateur originaire de Crimée Oleg Sentsov, et film présenté à Bozar, NDLR), commente Ivanov, mais la production est en réalité très variée, avec une large place faite au divertissement, des comédies populaires à succès, et aussi de plus en plus de films d’auteur. » Et s’il insiste sur la dimension identitaire du 7e art, et « sa place évidente dans un processus de reconnaissance internationale, de diplomatie culturelle« , l’homme de Kiev ne manque pas de mettre l’accent sur l’importance capitale d’une « intégration dans la production européenne« . Tamara Tatishvili renchérissant pour affirmer avec force que « la Géorgie regarde décidément vers l’Europe, les coproductions se multiplient avec les pays ouest-européens, la France, l’Allemagne, l’Espagne, bien plus qu’avec l’Ukraine par exemple. Mais des stratégies régionales se profilent. Y parvenir a pris beaucoup de temps aux Scandinaves, tous les espoirs nous sont donc permis pour le futur! » Et Denis Ivanov de conclure en mettant en exergue le film choisi de manière très significative pour ouvrir Bridges, East of West Film Fest: Les Chevaux de feu, grand classique (superbement restauré) de 1965 réalisé par Sergueï Paradjanov, « un cinéaste qui unit trois cultures puisqu’il était d’origine arménienne, qu’il a vécu à Kiev, Erevan et Tbilissi, qu’il a tourné Les Chevaux de feu enUkraine et a inauguré un certain cinéma poétique dont l’héritage est encore visible parmi les cinéastes de la nouvelle génération. »

Du 17 au 21/01 à Bozar, 23 rue Ravenstein, à Bruxelles. www.bozar.be

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