L’oeuvre de la semaine: Voir comme un architecte
Né en Hongrie, Lazlo Elkan (1910-2007) se fera appeler plus tard Lucien Hervé de son nom de code de résistant. S’il entre en art à l’âge de dix ans par l’étude du piano, c’est vers le dessin et la peinture qu’il se dirige huit ans plus tard en s’inscrivant aux Beaux-Arts de Vienne.
En 1920, il est à Paris. L’heure est aux débats modernistes et révolutionnaires: les leçons du constructivisme (le Bauhaus et ses équivalents en Russie, Hongrie, Pologne..) d’un côté, le dadaïsme puis le Surréalisme de l’autre. Quand, en 1929, il deviendra photographe (après avoir été employé de banque et modéliste auprès de grandes maisons comme Lanvin, Patou ou Chanel), il ignore encore que vingt ans plus tard, il suivra l’idéal du constructivisme à la suite de la commande un reportage sur l’Unité d’habitation de Le Corbusier à Marseille. En une journée, il prend alors 650 clichés qu’il envoie à l’architecte et celui-ci lui demande en retour de devenir « son » photographe. Pourquoi? En réalité, la prise de vue d’une construction peut traduire des intentions qui ne sont pas celles de l’architecte. Exemple: Dans un ouvrage sur la Villa Katsura (un chef d’oeuvre du XVIIe siècle japonais), les prises de vue sont frontales.
Récemment, un nouveau reportage photographique opte pour des cadrages obliques qui révèlent alors un tout autre univers. Lucien Hervé choisit cette seconde option: des plongées et contre-plongées, des perspectives diagonales et surtout des contrastes forts entre ombres et lumières. Du coup, il révèle non seulement la rythmique des bâtiments de Le Corbusier mais aussi l’importance de leur dimension sculpturale. Si, dans l’exposition seule l’oeuvre du Corbusier est présentée, il faut noter que Lucien Hervé se mit aussi au service d’autres architectes modernistes comme Alvar Aalto, Kenzo Tange, Richard Neutra.. Qu’en outre, invité par Pierre Puttemans, il publia aussi un ouvrage sur l’architecture moderne en Belgique.
Guy Gilsoul
Bruxelles, Galerie Keitelman. Rue Van Eyck, 44. Jusqu’au 13 juillet. www.keitelmangallery.com
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