L’oeuvre de la semaine : La vie passe, le souvenir demeure

Arié Mandelbaum, portrait de Arieh-Serge, 2017. C de l'artiste. © Arié Mandelbaum
Guy Gilsoul Journaliste

Voit-on le temps passer quand on est artiste ? Et les ans peu à peu nous préparer à être octogénaires ? Pour Arié Mandelbaum (°1939), le moment est sans doute venu de resserrer l’espace autour de lui alors que la même angoisse d’être né juif à l’heure du nazisme, demeure ancrée.

Si son oeuvre s’est ainsi nourrie d’avoir vécu de près ou de plus loin, les récits et les images de l’enfer concentrationnaire, c’est à partir des chefs d’oeuvre anciens comme ceux de Masaccio ou Grunwald dont la représentation de la « Crucifixion » le fait encore trembler d’émotion qu’il revisite son temps. Ces figures tutélaires sont alors traversées par un souffle éblouissant au coeur duquel apparaissaient les tracés jamais définitifs, toujours interrompus, superposés, griffés, appuyés ou si légers, parfois blessés et marqués alors au rouge d’une coupure. Mais s’il y avait bien le passé, le présent des jours s’impose toujours en retour. Il y a eu la vie, les amis, les voyages, les silences puis la mort d’un premier fils, Stéphane, assassiné puis d’une deuxième, mort dans un accident de voiture. Celle d’autres, proches ou frères de sang. Et maintenant, l’urgence de faire se côtoyer, dans une galerie de portraits, les visages de ceux, disparus ou non, qui ont compté. Qu’il a aimé. Et d’abord ceux de sa famille, les grands parents, les parents, les compagnes, les petits enfants et, parmi eux, le seul survivant de ses fils, Arieh-Serge. Un visage, les paupières closes, la tête baissée. Pour dire à la fois le sujet et le lien établi entre ce dernier et le portraitiste, le travail au trait fait vibrer le blanc du papier et, par contraste, une chevelure rebelle en vapeurs menaçantes. Pour certains de ces visages, l’artiste bruxellois s’est inspiré de photographies retrouvées et parfois du seul souvenir. Et puis, comme le fit Jan Burssens (1975-2002), cet autre merveilleux portraitiste, il cherche aussi à rejoindre par le tracé, des hommes qui ont compté dans sa vie. Des peintres comme Velasquez, Rembrandt, Piero della Francesca mais aussi Rothko ou encore Twombly. Comme chez le peintre flamand dont la vision expressionniste cherchait à corriger la peur sous-jacente, Arié Mandelbaum, à travers un dessin « à voix basse » clame dans un autre tempo, la victoire de l’art sur le temps. G.G.

Bruxelles, Galerie Devillez. 53 rue Emmanuel Van Driessche. Jusqu’au 24 février. Du lundi au vendredi de 10h à 18h. www.galeriedidierdevillez.be

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