Le crime est leur affaire – Les Watchmen version Zack Snyder respectent à la fois l’esprit et la lettre du comic book d’Alan Moore et Dave Gibbons. Du rififi chez les super-héros.

De Zack Snyder. Avec Billy Crudup, Matthew Goode, Jackie Earle Healey. 2 h 43. Dist: Paramount.

Avec l’adaptation des Watchmen, cultissime roman graphique d’Alan Moore et Dave Gibbons, c’est un peu comme si Zack Snyder s’était attaqué à l’impossible. On en veut pour preuve le nombre de cinéastes s’étant attelés avant lui au projet, les Terry Gilliam, Darren Aronofsky et autres Paul Greengrass qui, l’un après l’autre, durent renoncer pour diverses raisons.

Confronté à une £uvre d’une exceptionnelle densité autant que visionnaire, le réalisateur de 300 a eu l’intelligence de s’en tenir pour sa part aux fondamentaux, à savoir une transposition collant au plus près tant à l’esthétique qu’à la teneur de l’original. Nous sommes au milieu des années 80, sous la cinquième (sic!) administration Nixon et au plus fort de la Guerre froide, si bien que le monde est au bord de l’implosion: l’horloge de l’apocalypse affiche moins cinq, à un souffle donc de l’épilogue nucléaire redouté.

C’est dans ce contexte trouble que refont surface les Watchmen, champions de la lutte contre la criminalité dont les costumes commençaient à prendre la poussière. L’un d’eux, Le Comédien, étant sauvagement assassiné, voilà que point le spectre de leur élimination systématique. D’une conspiration l’autre, cependant, un plan pouvant en dissimuler un autre, plus machiavélique encore. Et amenant une question lancinante: si les Watchmen se sont autoproclamés gardiens de l’humanité, qui donc pour les surveiller eux, dans un monde engagé dans une course folle à l'(auto)destruction.

Des héros n’ayant de super que le nom

Visuellement impressionnant, le film de Zack Snyder rend justice à la richesse de l’univers de Moore et Gibbons. A cet égard, le générique est un morceau d’anthologie, revisitant un pan d’histoire américaine à la moulinette des Watchmen en un raccourci éblouissant; idem pour la scène de la contamination du Dr Manhattan, modèle de rétro-futurisme, pour ne citer que 2 passages particulièrement saisissants. L’esthétique du film est d’ailleurs proprement soufflante, surtout dans une première partie empruntant ouvertement au film noir, avant que ces Watchmen ne regagnent un univers plus conforme aux standards du film de super-héros, l’intérêt se relâchant alors quelque peu.

Au-delà, la force du film tient à la variation qu’il propose autour de la figure du super-héros. Comme ceux du roman graphique, ceux-ci n’ont pratiquement de super que le nom, êtres affichant des faiblesses et des failles béantes, psychopathes en puissance autant que justiciers. Des personnages aux zones d’ombre assumées et d’une incontestable noirceur que l’on ne saurait mieux rapprocher que du Dark Knight de Christopher Nolan.

Au plaisir de redécouvrir le film dans ses moindres détails, le double DVD ajoute divers compléments intéressants. Trois documents s’attachent ainsi respectivement à la genèse et au caractère révolutionnaire du roman graphique, à l’ambiguïté morale des Watchmen, et à l’application de principes physiques à l’écran. Ils sont complétés par une dizaine de courts journaux vidéo évoquant chacun succinctement un aspect du film.

Jean-François Pluijgers

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