Warhaus: « Ma musique a quelque chose de très théâtral, proche d’une religion »

Maarten Devoldere, Warhaus © FREDERIK BUYCKX
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Chanteur de Balthazar, Maarten Devoldere place son premier album solo sous le nom de Warhaus, et des amours fusillés. Résultante d’une personnalité fractale dont il nous dévoilé le Monkey Intérieur.

Il est grand, mince, a 30 ans et ne s’est pas rasé depuis quelques jours. Les tics? Une cigarette entre chaque interview donnée chez Pias et une blondeur qu’il ne cesse de mesurer, la main dans les cheveux. Au premier abord, Maarten Devoldere a quelque chose d’un jeune Tom Barman, cette fameuse arrogance tranquille, mais l’entretien en francanglais dénoue d’autres traits. Dont l’ironie, également présente dans le joli clip de The Good Lie.

On entend des échos de Leonard Cohen et de Gainsbourg sur l’album, souvenirs d’enfance?

Non, mes parents aimaient la musique socio-culturelle (sourire). J’avais 19 ans lorsque j’ai découvert Dylan et n’ai rien écouté d’autre pendant deux ans. Puis Gainsbourg est arrivé: ce que j’aime chez lui, c’est le sens du concept, la production à la Bonnie & Clyde, mais ce qui sonne cool aujourd’hui n’était en fait que la seule façon dont il pouvait le faire alors (sic). Rayon composition, je suis davantage influencé par Leonard Cohen.

Cohen, ce sont des chansons mélancoliques et un gentleman drôle et charmeur: tu pratiques aussi la séparation vie privée/oeuvre publique face à cet album que tu annonces comme traitant d’histoires d’amour?

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Je suis dans le paradoxe puisque j’estime être une personne très privée qui hait les médias sociaux de 2016: je ne mettrai jamais ma destination de vacances sur Facebook (sourire). Et puis là, j’écris des choses extrêmement personnelles que je ne partage même pas avec mes amis, donc il y a une forme d’exhibitionnisme, cryptée par des figures poétiques. Le tout vient d’un endroit honnête (il se touche la poitrine). Je ne suis pas né dans une famille croyante mais je crois que ma musique possède quelque chose de très théâtral qui peut se rapprocher d’une forme de religion.

Comment as-tu intégré le processus de fabrication de chansons?

J’ai fait le Conservatoire à Gand, je suis un master en musique (sourire) mais c’est totalement différent de l’écriture de chansons: la virtuosité, que je ne possède d’ailleurs pas, n’a rien à voir avec la composition. Je devais avoir douze ans quand j’ai écrit mon premier titre sur un accord en la: quand j’ai eu le mi, j’en ai écrit cinq supplémentaires (rires). Et là, j’étais auteur-compositeur de morceaux, assez horribles certes, mais qui allaient me rapporter beaucoup d’argent et conquérir le monde. De la pure arrogance en fait. Mais c’est elle qui me pousse. Ecrire c’est une pratique, un artisanat, mais tous les choix de ma vie se font en fonction d’être compositeur, pas d’être heureux ni d’être une bonne personne.

Lorsque la série criminelle La Trève reprend une chanson de Balthazar, The Man Who Owns the Place, on imagine que ce n’est pas le même contexte original…

Non, ce titre parle de relation amoureuse, de trahison et d’adultère. De la beauté de tout cela… On est très contents que ce titre soit dans le feuilleton, cela nous permet de toucher un autre public mais (hésitation) je n’écrirai jamais une musique pour l’histoire de quelqu’un d’autre, pour un film. On peut vendre mes chansons pour des cigarettes ou du coca-cola, cela m’est égal.

Cet album de Warhaus est annoncé comme traitant de l’amour: les chansons sont-elles, comme souvent, un mélange d’autobiographie et de fiction?

Non, c’est autobiographique mais la vérité est exagérée, sans fiction cependant. Comme mes émotions mises sous une loupe. Dans Balthazar, le travail revient à se débarrasser de toutes les scories qui sont sur les peaux de chacun, parce que c’est un travail d’équipe: en solo, c’est exactement le contraire, il faut amplifier tout ce qui gratte. Un truc d’ego qui caractérise aussi tous mes albums favoris, comme le Harvest de Neil Young. On peut être à la fois sensible, humain et en plein ego trip.

Un titre comme Bruxelles sur le disque représente bien l’idée de la chanson comme jeu de pistes, non?

Oui, elle parle d’une fille (sourire) mais c’est aussi parce que je ne suis pas assez courageux pour être parfaitement clair. J’écris sur des trucs assez dirty mais pas au sens rock’n’roll cool hein. J’aurai sans doute encore besoin de 50 ans pour y aller plus franco.

Le titre de l’album est extrait du Lady Chatterley’s Lover -une histoire d’amour entre un ouvrier et une aristocrate- de l’Anglais D.H. Lawrence qui a beaucoup traité de la déshumanisation amenée par la révolution industrielle du XIXe siècle: tu as l’impression de revivre cela dans cette époque-ci?

Oui et cela concerne cette moralisation de la société qui est refusée par mon singe intérieur. On me dit que je ne peux pas traiter d’un sujet? Fuck you. Je vais te prouver que c’est de la poésie, une belle chose, même si elle n’est pas « convenable ».

Très Oscar Wilde dans l’esprit…

(sourire) C’est une forme de dandysme, oui.

Comment vit-on avec le succès de Balthazar?

Matériellement? Je ne suis pas très riche, pas encore. J’ai vécu quatre ans à Bruxelles -que j’aime beaucoup parce c’est une ville complète- et puis cela s’est terminé avec ma copine. Donc, je suis retourné vivre à Gand, qui est un Disneyland pour les créatifs de centre-gauche (sourire), un peu trop zone de confort. J’y partage une maison avec deux copains: mon pote qui est cameraman gagne plus en une journée que quand je joue en concert avec Balthazar.

En concert le 14 octobre au Reflektor à Liège et en tournée européenne cet automne.

« We Fucked A Flame Into Being »

Warhaus:

La façon dont Maarten Devoldere chante sur la dernière chanson est du pur Leonard Cohen, expert il est vrai en matières amoureuses, sujet principal de ce premier solo. Devoldere y fabrique ce qu’il définit lui-même comme une clôture de ses 30 premières années sur Terre. Si le spleen du fameux poète canadien précité draine les morceaux d’une lenteur volontiers crépusculaire, les arrangements s’avèrent plutôt gainsbourgiens. D’où un titre comme Beaches et ses coups de rein filmiques à la Serge, digérés dans une chorégraphie musicale également perméable aux scénarios dramatiques de Balthazar. Le tout en apoplexie dans le parfait Machinery.

Distribué par PIAS. ***(*)

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