Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Française d’origine suisse travaillant en Belgique, la jeune réalisatrice de Home affiche, outre un talent certain, une personnalité marquante.

C’est en se souvenant des émissions de Jean-Claude Defossez sur les « travaux inutiles » qu’Ursula Meier a vu germer en elle l’idée de départ de son premier long métrage, Home.  » J’avais cette image d’une autoroute achevée mais jamais mise en service, explique la réalisatrice . Et puis aussi, celle de ces gens que j’avais vus déjeuner sur l’herbe, apparemment très contents, au bord d’une autoroute où les voitures défilaient à toute allure. » Ainsi naquit l’étonnante histoire d’une famille habitant une maison accolée à une autoroute fermée, et de l’impact qu’aura sur son existence l’ouverture au trafic. Présenté au dernier Festival de Cannes, Home (1) affiche d’emblée un propos et un style. Une réflexion sur la normalité, la famille, la vitesse et l’enracinement. Bref, la condition humaine. Et une forme éminemment cinématographique où aucun cadre n’est abandonné au hasard et où s’exprime un regard personnel sur les êtres et le monde.

 » Je me suis demandée comment on pouvait vivre dans pareil environnement dans, sans doute, un grand déni de la réalité. J’ai vu l’autoroute comme un révélateur de névrose familiale« , commente l’ancienne assistante d’Alain Tanner, passée de sa Suisse natale à Paris (où elle vit actuellement) en s’arrêtant en Belgique où elle fit ses études à l’IAD. Ursula Meier présente son film comme un  » road-movie à l’envers, le mouvement arrêté de gens plongeant dans la folie sous la pression d’un environnement qui met au jour et aggrave des failles préexistantes sous la surface de bonheur un peu loufoque qu’ils offrent au départ… ».

Logiquement, le bruit est devenu l’une des « matières premières » essentielles du film, une fois que la circulation automobile vient frôler la demeure où vivent, avec leurs enfants, les personnages joués par Isabelle Huppert et Olivier Gourmet. Le son constitue, pour Meier, une donnée majeure mais trop souvent négligée de la pratique cinématographique. Quant à la façon de filmer le décor peu banal où se déroule l’action, elle résulte d’une préparation minutieuse issue d’une manière précise, aiguisée, d’aborder la mise en scène.

Épuré et décalé

 » J’ai épuré, épuré, épuré jusqu’à ne plus garder que l’essentiel, explique la cinéaste, afin que tout ce qu’on s’attend à voir arriver dans le film n’arrive pas. » Celle qu’avait révélée, en 2001, le très épatant moyen métrage Tous à table, a eu  » envie d’un film absolument pas formaté, où l’on ose mélanger scènes burlesques et dramatiques« . Dans Home, l’humour a toute sa place, mais le fond du récit est de nature tragique.  » Cette manière de rire avec des choses sérieuses, cet humour décalé, cette folie douce que j’avais en moi, c’est en Belgique qu’ils se sont révélés, et c’est ce qui m’a fait rester. Le monde est fou! Et les Belges s’en sont aperçu avant les autres, je crois… » Artiste franco-suisse de nationalité, mais un peu belge de c£ur, Ursula Meier entame avec Home une trajectoire que son mélange de maîtrise et de sens du risque, d’optimisme et de lucidité, pourrait rendre passionnante.

(1) Voir la critique en page 37.

Louis Danvers

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