Laurent Raphaël

Salade aux lardons

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

L’édito de Laurent Raphaël

Pour un peu, on croirait qu’ils se sont donné le mot. La rentrée croule en effet sous les films et romans qui labourent le territoire friable de l’enfance. Rarement d’ailleurs pour nous en dresser un tableau idyllique ou pour nous en vanter les délices insoupçonnés. Car ce sont d’abord les victimes collatérales d’un monde à la dérive que dépeignent les écrivains et cinéastes. De Polisse, descente dans le quotidien d’une brigade de protection des mineurs orchestrée par Maïwenn, aux Géants de notre compatriote Bouli Lanners, virée « into the wild » de 3 gamins en rupture de ban familial, en passant par Room, roman suffocant d’une séquestration vue à travers les yeux d’un bambin de 5 ans signé Emma Donoghue, les têtes blondes sont rarement à la fête. Elles n’ont peut-être pas l’âge du permis, mais pour ce qui est des coups, des mensonges ou des cruautés, on ne les a pas fait attendre…

Même les oeuvres qui semblent vouloir aborder la question par un versant plus insouciant portent en réalité un message. Dans La Guerre des boutons par exemple, qui fera l’objet de 2 remakes, dont le premier, celui de Yann Samuel, atterrira sur nos écrans le 14 septembre, le vernis humoristique et la couleur sépia n’enlèvent rien à la causticité du propos dans ce qui n’est en fin de compte qu’une parodie pas si tendre de la comédie des adultes. C’est d’ailleurs un peu la vinaigrette commune à toutes les salades aux lardons de cette rentrée: le monde des jeunes, ados compris, est convoqué pour éclairer celui des « grands », ses dysfonctionnements, ses lâchetés, ses faiblesses. Quand les kids ne sont pas carrément appelés à la rescousse pour réveiller l’humanité vacillante de leurs aînés, leur donner une leçon de courage et d’espoir. Comme dans La Guerre est déclarée du tandem Donzelli-Elkaïm, ou dans La Permission de minuit de Delphine Gleize, qui sort aujourd’hui en DVD. Dans ces 2 films où la souffrance est pour une fois une force motrice plutôt que destructrice, les enfants sont des bouées de sauvetage pour des adultes à la dérive. Car il est difficile de ne pas faire fausse route de nos jours, même pour les mieux intentionnés. Illustration à venir avec le terrible We need to talk about Kevin, grosse sensation du dernier festival de Cannes, qui retrace le calvaire d’une mère digne tentant de comprendre ce qui a poussé son fils à tirer un trait sur sa trop courte vie. Volonté de renouer avec l’innocence perdue? De réparer les pots cassés? De tirer la sonnette d’alarme? Regarder l’enfance droit dans les yeux peut nous aider à les ouvrir…

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