Laurent Raphaël

Obama shakes

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

La victoire d’Obama, ce n’est pas qu’une histoire de politique étrangère, de soins de santé pour tous (…), c’est aussi une forme d’état d’esprit.

L’édito de Laurent Raphaël

En dépit des déçus, du Tea party, de l’usure du pouvoir, de Guantanamo, des promesses non tenues, des subprimes, des Indignés, Obama rempile donc pour quatre ans. Comme quoi, il ne faut jamais désespérer des Américains! On a déjà tout dit, tout écrit des défis politiques et sociaux colossaux qui attendent le désormais grisonnant président mulâtre -et non noir comme on le claironne encore un peu partout alors que le bonhomme est autant blanc que black! Autant de montagnes à déplacer qui le feront sans doute ressembler à Morgan Freeman au terme de son second mandat comme il l’a lui-même envisagé lors d’un de ces intermèdes humoristiques dont il a le secret.

Si tout le reste du monde s’est plus ou moins réjoui de la tournure des événements, c’était sans véritable enthousiasme. L’euphorie autour d’Obama 1er a laissé la place à une forme de sympathie bon enfant. Comme si la réélection de ce chef d’Etat aux airs de félin relevait déjà de la routine. Or elle tient presque plus que la première fois du miracle. Outre qu’elle enfonce le clou de la dynamique du changement à l’oeuvre dans le casting des dirigeants, elle confirme que l’intelligence et la culture ne sont pas solubles dans le pouvoir. Avec le trio Sarkozy-Poutine-Berlusconi, on avait fini par penser que pour se hisser sur le toit du monde, il fallait obligatoirement laisser son cerveau droit au vestiaire. Quel formidable message aussi pour la jeunesse -et quelle gifle du même coup pour les racistes, les aigris, les créationnistes, les homophobes, les intoxiqués du divertissement adipeux- de voir le roi du cool tenir la barre de la principale puissance mondiale.

Car l’Amérique d’Obama, c’est l’Amérique de Toni Morrison, de Bob Dylan, d’Eminem, de Jay-Z et même de ce damné de Gil-Scott Heron. C’est l’Amérique, certes patriote jusqu’au bout du fusil, mais qui croit en l’éducation et en la culture comme tremplin vers l’emploi mais aussi comme source d’épanouissement personnel. Même si la Bible n’est jamais loin, la pensée alternative et la création artistique ne sont pas regardées comme des tares génétiques. Pas étonnant dès lors que tout ce que les Etats-Unis comptent comme artistes « éclairés », de Russell Banks à George Clooney, ait une fois de plus roulé pour ce fan de James Brown, sorcier black pas vraiment clean. Rien à voir avec l’esprit chagrin et ratatiné de l’autre camp, soutenu par de vieilles guimbardes de Hollywood rendues à leurs salles de muscu, leur vulgarité ou à leur chaise vide dans le cas de Clint, dont on se demande s’il n’était pas en fait infiltré chez les Eléphants tellement sa prestation lors de la convention républicaine a cassé l’ambiance… Bien joué Clint!

La victoire d’Obama, ce n’est pas qu’une histoire de politique étrangère, de soins de santé pour tous ou de refus des excès sanglants du libéralisme, c’est aussi une forme d’état d’esprit, de mood comme on dit là-bas. A travers une vision du monde qui ne repose pas que sur le fric et l’individualisme. Même si on n’est pas les plus mal logés en ce moment, avec un Obama montois qu’on peut croiser aux soirées La Démence du Fuse, on s’arrache de son sofa pour tirer notre chapeau à cet homme intègre. Et lui conseiller de continuer à lire des romans contemporains et de ne pas arrêter de se rincer les (grandes) oreilles avec le meilleur de la musique d’hier et d’aujourd’hui. S’il suit ce traitement, pas de doute qu’il casse la Barack!

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