Critique

[Le film de la semaine] The Love Witch, l’horreur et l’érotisme 60’s/70’s à la moulinette féministe

Samantha Robinson dans The Love Witch de Anna Biller. © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

COMÉDIE/ÉPOUVANTE | Anna Biller revisite le soft porn et l’horreur façon début des seventies dans un régal de comédie décalée.

Quand le Nova, antre de l’avant-garde cinéphile à Bruxelles, choisit d’aimer une ou un cinéaste, il ne le fait pas à moitié! Ainsi d’Anna Biller, dont il avait révélé le premier long métrage Viva au cours de l’édition 2008 du Festival Offscreen. Le Nova distribue aujourd’hui le deuxième opus de la réalisatrice la plus génialement barrée de L.A., The Love Witch, dont le ton décalé n’empêche pas les charmes vénéneux de se déployer à merveille. Tout commence sur une route ensoleillée où une jeune femme brune roule en voiture décapotable rouge. Ses lèvres aussi sont rouges, elle y accroche une cigarette, l’air pensif, se remémorant les traits d’un jeune amant laissé mort, empoisonné. La jeune femme aux yeux profonds a un léger sourire. Elle s’appelle Elaine. Et c’est une sorcière. De sa voiture à son sac et à ses bagages en passant par sa robe et ses chaussures, Elaine affiche son goût pour le rouge. On verra bientôt qu’il englobe aussi celui du sang, y compris menstruel…

L’esthétique frappe d’abord, tout droit venue du cinéma des années 60 et début 70, pour le goût des coloris francs, d’une sensualité à fleur de pellicule et des accents du film de genre porté à incandescence par le désir de déjouer les censures. En l’occurrence ici le film criminel et d’épouvante pimenté de soft porn. Mais The Love Witch n’est pas qu’un séduisant exercice de style!

Drôle et sulfureux

[Le film de la semaine] The Love Witch, l'horreur et l'érotisme 60's/70's à la moulinette féministe

Idéalement servie par son actrice principale, la New-Yorkaise Samantha Robinson, Anna Biller joue dans son deuxième film avec les codes de représentation sexuelle d’une époque où s’affirmer indépendante, conquérante, n’était pas une mince affaire pour une femme. À travers le portrait de sa sorcière poussant les hommes vers la mort en se faisant trop aimer d’eux, la réalisatrice diplômée de l’UCLA et de CalArts ne se contente pas de passer l’horreur et l’érotisme des sixties/seventies à la moulinette féministe. Le féminisme lui-même se voit confronté à une foule de questions portées par une imagerie simple seulement en apparence. Biller se plaît aux ambiguïtés fécondes, comme le montrait déjà son premier film Viva, une satire délicatement ironique (et jouée par elle-même) d’une (r)évolution sexuelle piégée par ses propres stéréotypes. Réalisatrice et scénariste mais aussi productrice, décoratrice, monteuse et interprète, elle questionne les images tout en les soignant (pas de digital chez elle mais du 16 ou du 35 mm!). Son regard est à la fois nécessairement critique et sensuel, humoristique et sulfureux, élégant et provocateur. À découvrir sans faute, et à savourer grâce au Nova qui remet Viva à l’affiche tout en y déployant les atouts de The Love Witch.

De Anna Biller. Avec Samantha Robinson, Elle Evans, Jeffrey Vincent Parise. 2h Sortie: 13/09. ****

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