Jérôme Bel dans le rétro

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Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Mais quelle bonne idée ! La 20e pièce du chorégraphe français poil à gratter Jérôme Bel est une Rétrospective. Un montage vidéo « pas objectif » mais chronologique, offrant un point de vue précieux sur sa démarche et présenté pour la première fois en Belgique, au Kaai.

« Bonjour, je m’appelle Jérôme Bel, j’ai 54 ans, je suis chorégraphe. » Dans un plan fixe, face caméra, Jérôme Bel explique lui-même d’emblée la démarche de cette Rétrospective : « C’est une interprétation du passé à partir du présent » pour « éviter la disparition totale de mes anciens spectacles ». Cette succession d’extraits, sobre, sans commentaires ni indications, sera « leur tombeau ».

On rentre directement dans le vif du sujet avec deux séquences de Jérôme Bel (1995). Un spectacle devenu culte (créé à Bruxelles, pour la petite histoire, au festival Bellone-Brigittines), ayant valeur de manifeste, dépouillant la danse de tout, même d’elle-même, pour se concentrer sur le corps, ses caractéristiques, ses capacités. Un petit scandale à l’époque. On y décèle déjà un humour caractéristique, souvent pince-sans-rire, plus apparent encore dans l’extrait suivant : Shirtologie (1997), solo où l’on retrouve Frédéric Seguette, fidèle de Bel, décryptant les messages de ses t-shirts enfilés l’un sur l’autre au fur et à mesure qu’il se désape. Fin, bien croqué, parfaitement exécuté.

Au fil des extraits, on décèle une constante : une sorte de souci démocratique, un refus de toute hiérarchisation. Jérôme Bel s’intéresse à chacun -danseurs professionnels ou amateurs, expérimentés ou novices, balèzes ou maladroits, jeunes, vieux, porteurs d’un handicap physique ou mental-, à toutes les danses -classique, traditionnelles, urbaines, de club… – et à toutes les musiques. Rien, personne n’est exclu. Et quand il met en lumière une danseuse du ballet de l’Opéra de Paris, Véronique Doisneau, à quelques jours de la retraite à 42 ans, c’est pour en dresser un portrait sensible, non dénué d’humour, qui déconstruit la belle mécanique du spectacle en zoomant sur l’être humain au-delà de la danse.

Après le générique de fin, une seule envie s’affirme : que les autres chorégraphes s’en inspirent et livrent eux aussi leurs propres rétrospectives, pour un nouveau regard et une trace durable d’un art éphémère.

Rétrospective : le 7 novembre au Kaaitheater à Bruxelles.

Le 8 novembre, Jérôme Bel sera présent « en chair et en os » au Kaai pour Conférence sur rien (1949), une lecture du texte éponyme du compositeur et poète John Cage.

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