En images: Bruxelles, capitale street art
[MISE À JOUR avril 2017: les nouvelles fresques de la place Jourdan et du boulevard du Souverain ont été ajoutées au diapo]
Ces dernières années, la façon de traiter le street art a évolué un peu partout dans le monde, ainsi qu’en Belgique. Un phénomène particulièrement médiatisé ces derniers jours suite à l’apparition du pénis à Saint-Gilles et de la pénétration dans le centre de Bruxelles. Séparées de trois kilomètres à peine, les deux oeuvres ne subiront pourtant pas le même sort. Si la ville de Bruxelles a en effet décidé de ne pas effacer la fresque représentant une pénétration rue des Poissonniers, la commune de Saint-Gilles à, quant à elle, fait le choix de faire nettoyer le pénis géant dans les semaines qui viennent.
Si le street art est toujours officiellement interdit, la ville de Bruxelles, comme d’autres en Europe, s’applique à mettre à disposition certains lieux d’expression pour les graffeurs, mais en tolère aussi d’autres. La pratique n’est en effet pas interdite si on bénéficie de l’accord du propriétaire de la surface sur laquelle on peint. De plus en plus d’évènements sont ainsi organisés à Bruxelles, mais aussi à Gent ou Louvain-la-Neuve, dans le but de promouvoir un street art plus qualitatif et de limiter les oeuvres sauvages.
On peut ainsi citer l’ASBL Urbana, à l’origine de deux grands projets cette année: les géants d’Anderlecht, où quelques piliers du ring qui passe au-dessus de Neerpede ont été mis à disposition d’une quinzaine de graffeurs; et Interfaces, où 40 portraits, réalisés par autant d’artistes différents, habillent désormais le chantier de démolition des anciens bâtiments de Fortis, rue Ravenstein. Le festival international Kosmopolite Art Tour a aussi laissé sa marque sur le paysage Bruxellois, notamment aux abords du canal près de Tour et Taxis. Parmi ces ASBL dédiées aux arts urbains, certaines se sont même lancées dans des visites guidées des hauts lieux de street art de la capitale. C’est notamment le cas de l’ASBL Fais le Trottoir, qui propose différents parcours menés par un passionné et un artiste, dans plusieurs communes bruxelloises. De quoi apprendre à reconnaitre les signatures, les styles et les codes utilisés dans le milieu du graffiti.
Un art populaire toujours marginal
Fidèle à l’esprit subversif dans lequel il a pris sa forme moderne dans les années 60, l’art urbain est, encore aujourd’hui, loin de faire l’unanimité. Véritable forme d’expression artistique pour les uns, vandalisme pur et simple pour les autres, l’apparition de tags, fresques et autres graffitis provoque souvent le débat. C’est encore plus vrai quand des sexes géants apparaissent en face d’écoles ou au-dessus de lieux fort fréquentés de Bruxelles. Dans la rue et sur internet, chacun y va de son commentaire: pour ou contre le tag, pour ou contre l’effacer, pour ou contre ne serait-ce qu’en parler…
Longtemps considérés comme sales, dégradants et marginaux, les arts urbains semblent se refaire une réputation depuis le début du siècle. Il faut dire que les grands maîtres du genre, comme le Britannique Banksy, le Français JR ou l’Américain Shepard Fairey, ont largement contribué à faire passer l’art de rue du statut de gribouillis illégaux à celui de véritable art. Il transforme maintenant les rues en galeries d’art et peut même être exposé dans les musées. Certaines fresques se vendent même à des sommes astronomiques aux enchères, comme ce fut le cas de Keep it Spotless, une collaboration entre Banksy et Damien Hirst, adjugée à 1,8 million de dollars en 2008.
C’est certainement l’organe masculin le plus visionné en Belgique depuis une semaine. Sûrement aussi celui qui déchaîne le plus les passions. Ce phallus géant et dont on ne connaît pas l’auteur devrait néanmoins disparaître dans les prochaines semaines, sur décision du conseil communal de Saint-Gilles. Il faut dire que la chose était assez mal placée, juste en face d’une école pour jeunes filles catholiques. La ville aurait dans l’idée de la remplacer par une fresque un peu moins profanatrice.
Figure emblématique du street art bruxellois, il fût un temps suspecté d’être l’auteur du pénis de Saint-Gilles et de la pénétration de Bruxelles. Il faut dire que la ressemblance avec sa fresque d’une femme se masturbant au-dessus de l’avenue Louise peut laisser planer le doute. D’ordinaire, le Français d’origine, Vincent Glowinski de son vrai nom, est plutôt adepte des motifs animaux. L’artiste, très productif, a déjà sévi dans plusieurs dizaines d’endroits en ville.
C’est dans le cadre du parcours d’artiste Itinérart qu’une quinzaine d’artistes ont pu prendre possession des piliers du ring passant au-dessus de l’avenue Marius Renard. Organisé en avril dernier par l’ASBL Urbana avec le soutien de la ville et de la COCOF, cet espace est donc non seulement toléré mais totalement légal. Les artistes ont même disposé d’élévateurs pour pouvoir couvrir l’entièreté de la surface des piliers.
Artistes: à gauche Steve Locatelli; à droite le collectif Hell’o, Jérome Meynen et Antoine Detaille
Artistes: à gauche Dzia; à droite Lolo
Artistes: à gauche El Nino76 & Demos; à droite le collectif Farm Prod
Les piliers de Neerpede n’ont pas attendu les géants d’Anderlecht pour se transformer en haut lieu du street art bruxellois, bien au contraire. Constitué de plusieurs centaines de mètres de piliers, chacun vient y faire ses preuves en recouvrant les oeuvres des autres. Sous toutes ces couches de peinture, il se trouve certainement des oeuvres aussi vieilles que le ring lui-même. Flippant la nuit, l’endroit s’illumine de toutes les couleurs déposées à la bombe aux premiers rayons de soleil. Une véritable galerie à ciel ouvert. Artistes: variable
Depuis sa création à Paris en 2002, le Kosmopolite Art Tour s’emploie à mettre de la couleur sur les murs de plusieurs villes européennes et sud-américaines. Lors de l’édition 2015, le collectif Farm Prod, organisateur de l’évènement, ainsi que de nombreux talents belges de cette discipline, avaient pris leurs quartiers aux abords du canal. La gigantesque fresque bleue, fruit de la collaboration entre plusieurs graffeurs, est toujours visible depuis le Quai des Péniches.
Artistes: Dzia (le poulpe), Steve Locatelli (le crâne), Sebastian Ascs (la tête), Denis Meyers (l’enfant) et Gijs Vanhee (le crocodile).
Artistes: Arnaud Kool, Oli-B et Méta Parole
L’Allée du Kaai est une initiative citoyenne d’occupation temporaire du quai des Matériaux. Cet espace comprend un parc, des endroits de détente, plusieurs potagers partagés ainsi qu’un skate park. Le projet, initié par Bruxelles environnement et géré par l’ASBL Toestand, avait été inauguré en 2014. Un an plus tard, les street artistes et leurs sprays sont venus y ajouter une touche de couleur dans le cadre du Kosmopolite Art Tour. Un grand nombre de ces fresques ont depuis étés recouvertes par d’autres.
Artistes: DEFO84 et Blancbec (le chat-robot), Tarantino et El Macho (l’hirondelle)
Dans une petite rue étroite du quartier des Marolles, deux immenses fresques recouvrent les façades de part et d’autre des bâtiments. La première saute toute suite aux yeux des passants grâce à ses couleurs bleues et jaunes pétantes. Quand on y regarde de plus près, on distingue de nombreux détails de couleur plus claire, donnant une toute autre dimension à l’oeuvre murale. C’est dans le cadre d’une opération de redynamisation de la ville organisée par Urbana en 2012 que cette pièce a été réalisée par l’artiste Metaparole.
Cette fresque se situe précisément en face de la précédente. Plus discrète car moins criarde que sa voisine, il serait pourtant dommage de passer à côté tant elle est détaillée et minutieuse. Elle remplace une oeuvre précédemment domiciliée sur le même mur, A Squid Called Sebastian, qui avait disparu lors de la rénovation de la façade. Il n’aura pas fallu longtemps avant que le propriétaire décide de ne pas laisser son mur immaculé. Inaugurée dans le cadre de la Fête des Saltimbanques, cette fresque s’inscrit également dans la politique de développement de l’art urbain de la ville de Bruxelles.
Artistes: Obêtre, Doctor H, Spencer et Parole
Les crayons/Créons sont sans doute parmi les graffitis les plus répandus de la ville. Il est possible d’en trouver un peu partout et dans toutes les situations pour peu qu’on soit attentif. De toutes les formes et de toutes les couleurs, le collectif d’artistes à l’origine des Crayons s’approprie et joue avec l’environnement dans lequel il intègre les dessins.
Il ne s’agit certainement pas du spot le plus esthétique de la capitale. C’est par contre sûrement un des plus emblématiques. Depuis 25 ans, ce sont probablement des milliers de graffeurs qui ont laissé leur trace sur les murs en contre-bas de la gare de Bruxelles-Chapelle. Si la plupart sont de « simples » tags, on peut pourtant y trouver quelques jolies choses en y regardant de plus près.
Ce portrait très récent réalisé par le jeune artiste parisien Raphael Federici prouve l’importance du Recyclart dans la culture street art, et qu’on n’y trouve pas que des gribouillis. Mais qui sait combien de temps cette tête de marin se trouvera là?
Les graffeurs n’ont jamais attendu d’autorisation pour exercer leur art. Il existe néanmoins depuis de nombreuses années des initiatives qui leur permettent d’agir légalement. C’est notamment le cas dans le tunnel de la rue Roger van der Weyden, véritable gallérie (presque) à ciel ouvert depuis 1997, lorsque une première salve de fresques avait été commandée par Recyclart. Depuis 2004, ce sont de nouveaux tableaux, de style « post-graffiti », qui les ont remplacées. Plus de 10 ans plus tard, les fresques officielles côtoient bien sur les lieux avec de nouvelles, moins officielles.
Artiste, de gauche à droite: Hoba, JeeGee, FDS
Le street art peut aussi se faire politique et militant, comme on peut le voir sur cette fresque, exécutée sur le flanc du siège central de le CGSP.
Artiste non identifié.
L’avantage de la reconnaissance du street art comme réelle forme d’art, c’est qu’il permet de plus en plus d’exercer dans la légalité. Une condition désormais obligatoire pour le Français Gaëtan Tarantino, qui a décidé de filer droit après avoir échappé de justesse à la prison ferme après avoir exercé son art. La politique de promotion de l’art de rue de la ville de Bruxelles lui permet donc de continuer à dessiner. La légalité propose même comme avantage de pouvoir couvrir des surfaces plus grandes, comme c’est le cas pour la fresque de Tarantino qui fait face à l’IHECS. Un beau bébé de 25 mètre de haut sur 5 de large.
Preuve qu’il suffit de lever le nez pour tomber sur de jolies pièces, cette mésange géante qui semble survoler l’hôtel Chambord, visible depuis la Porte de Namur. Cette fresque animalière fait partie d’une campagne de redynamisation de la rue de Namur sur initiative de l’association des commerçants et de l’agence régionale du commerce. C’est ainsi qu’une dizaine d’artistes, rassemblés par le collectif Propagaza, ont pu prendre possession des façades de cette rue en toute légalité.
Enfin, certaines fresques se trouvent juste là parce que des graffeurs ont jugé que c’était un bon endroit pour dessiner. Se faire un itinéraire pour découvrir l’art de rue à Bruxelles c’est bien. Mais découvrir des belles pièces au détour d’une rue, juste en regardant autour de soi, c’est ça, la magie du Street Art.
Projet résidentiel Oxygen, fresque éphémère de plus de 1000 m² (la plus grande de Bruxelles), réalisée par SozyOne. Disparaîtra à l’été.
Tableau de 16 mètres de haut (peinture à l’huile) signé Guillaume Bottazzi et inscrit au patrimoine de Bruxelles-Capitale.
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