Critique théâtre: Moineaux et vautours

© Alice Piemme / AML
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Axel Cornil replace dans la lumière Ravachol, anarchiste terroriste de la France du XIXe siècle. Son appel à la révolte sonne avec une actualité particulière en ces temps de Gilets jaunes, mais génère aussi un certain malaise.

Dans certains coins de Wallonie, Ravachol est devenu un nom commun, synonyme de chercheur de bagarre ou de gamin désobéissant. Mais Ravachol est avant tout un personnage historique, né dans la Loire en 1859 et mort guillotiné à 32 ans. Dans une chanson de 1974, Renaud a bien résumé la vie du bonhomme : « Il s’appelait Ravachol, c’était un anarchiste / qu’avait des idées folles, des idées terroristes / il fabriquait des bombes et il faisait sauter / pour emmerder le monde les bourgeois, les curés ».

Le jeune auteur montois Axel Cornil (Du béton dans les plumes, Jean Jean ou on n’a pas tous la chance d’être cool, Crever d’amour…) s’est intéressé à son parcours pour sa dernière création, qu’il a lui-même mise en scène. Sur un texte construit en partie en flash-back à partir de son procès où il sera condamné à mort pour recel, agression, faux et usage de faux, attentats et assassinat, quatre jeunes comédiens parmi les plus doués de leur génération -Adrien Drumel, Gwendoline Gauthier, Héloïse Jadoul et Pierre Verplancken- enchaînent sans temps mort des scènes globalement fidèles à la vie mouvementée de François Claudius Koënigstein (son vrai nom, Ravachol était le nom de famille de sa mère) mais qui n’hésitent pas à prendre quelques libertés avec la vérité historique.

Critique théâtre: Moineaux et vautours
© Gil Barez

A part Pierre Verplancken qui reste Ravachol du début à la fin, les trois autres assument avec panache une dizaine de personnages, sans que le sexe n’ait d’importance, se changeant à vue sur les côtés de la scène et empilant parfois les tenues pour passer plus rapidement de l’un à l’autre. Ainsi, une toge de magistrat couvre à peine des jambes nues poilues et un tablier de ménagère. Ainsi, du jus de cornichons et du faux sang s’incrustent sur les visages comme les traces des événements précédents. Des superpositions à l’effet drôlatique qui viennent utilement alléger, avec une dose maîtrisée d’adresses cabotines au public, le ton tragique général.

« Il y aura toujours de vautours pour s’en prendre aux moineaux. Petit oiseau, joue-leur un tour, qu’ils ne te prennent plus de haut ». Ce poème de l’ami Biscuit dit bien la sympathie que l’on peut avoir pour le principal protagoniste de toute cette histoire. Un peu comme pour Robin des Bois. Mais c’est à ce niveau qu’à notre avis le bât blesse. Ravachol se dessine comme l’apologie de la révolte contre, pour faire simple, « l’oppresseur », oui, mais la révolte menée par un homme sans mesure, profanateur de sépulture, assassin d’un vieillard et terroriste. Les côtés sombres du personnage ne sont certes pas occultés -« Il a appelé au secours et vous l’avez tué ? », demande le juge ; « Qu’est-ce que je pouvais faire d’autre », répond-il-, mais l’héroïsation de Ravachol -sa mort presque en martyr- va à l’encontre d’une morale à la Gandhi selon laquelle rien ne peut justifier la violence. Ni dans un camp, ni dans l’autre.

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Ravachol : jusqu’au 2 mars au Théâtre 140, www.rideaudebruxelles.be

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