[Critique théâtre] Chercher la petite bête

Bug de Tracy Letts, adapté par Aurore Fattier. © Alice Piemme
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Criquets, mouches, punaises de lit et aphidiens grouillent dans ce Bug de Tracy Letts adapté par Aurore Fattier. Tirant quelque peu en longueur, le délire mené par un casting de haut vol n’en est pas moins savoureux.

« I think I’m paranoid », chantait Shirley Manson quand Garbage était au sommet de sa gloire. Être paranoïaque, c’est une chose, en être conscient en est une autre. Pierre, lui, semble dramatiquement bloqué au premier stade dans ce Bug de l’auteur américain Tracy Letts, quelque peu modernisé (la pièce originale date de 1996) et transposé à Bruxelles par la metteuse en scène Aurore Fattier.

Ça commence en vidéo projetée, dans la Cité Modèle de Laeken. Agnès (Catherine Grosjean, qui avait épaté dans Sing My Life), grise mine sous sa doudoune, rentre chez elle: un appart minuscule au chauffage défaillant et à la lumière blafarde, habillement constitué de modules mobiles par l’atelier décor du Théâtre de Liège. Un incipit en mode Ken Loach, à la bruxelloise. L’ambiance bascule avec l’arrivée de Pierre (Yoann Blanc, désormais connu comme l’inspecteur Peeters dans la série La Trêve, assumant ici son rôle jusqu’au clownesque), garçon mystérieux rencontré dans un bar et amené là par une amie. Petit à petit, alors qu’une relation se noue entre ces deux êtres au passé trouble, le réalisme social va virer au gore. Voire flirter avec le fantastique au fil des délires de cet homme soi-disant échappé de l’armée et prétendu cobaye d’expériences inquiétantes. Jusqu’où peut-on, par amour, accepter la vérité de l’autre? Telle est la question de ce huis clos que fuiront les entomophobes.

Fine mouche, Aurore Fattier joue avec malice des codes théâtraux dans le doute qui subsiste quant à la délimitation du réel et de la folie, du palpable et des hallucinations. Quand Pierre affirme que « c’est du faux sang », c’est peut-être du vrai sang dans l’intrigue (encore que ce ne soit pas tout à fait sûr…), mais dans la vraie vie, c’est vraiment du faux sang (que l’on verra d’ailleurs appliqué par la maquilleuse sur scène, histoire de casser complètement l’illusion). Et quand il affirme se sentir surveillé, son visage, dans le réel, est vraiment scruté de tous côtés par plusieurs caméras. Sans trop en dévoiler, on saluera aussi dans le même coup de chapeau l’utilisation spatiale du quatuor classique (violons, clarinette, violoncelle) jouant en live du début à la fin. Et puis la performance de Fabrice Adde, délicieux en ex-taulard qui s’incruste.

Bug: jusqu’au 9 mars au Théâtre Varia à Bruxelles, du 13 au 16 mars au Théâtre de Namur, du 20 au 24 mars au Théâtre de Liège.

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