Critique scènes: Phèdre au pluriel

© Gaël Maleux
Nicolas Naizy Journaliste

Après Platon, Pauline d’Ollone s’attaque à Phèdre. Tout en assumant le meilleur du texte de Jean Racine, Phèdre(s) se voit boosté de quelques éléments de modernité. Une perspective à moitié accomplie.

L’histoire de Phèdre est une affaire complexe. Pièce de Jean Racine, inspirée des mythes antiques, l’auteur classique y a entremêlé la cruauté du mensonge, le tabou du désir, le poids du non-dit. On récapitule. Troisième épouse de Thésée, roi de Trézène, Phèdre voit dans son récent veuvage l’occasion d’avouer enfin sa flamme à son beau-fils Hippolyte. Mais ce dernier entend plutôt assumer enfin son amour pour Aricie, prisonnière de son père. Pour se venger Phèdre ne trouvera d’autre moyen que d’avouer à son mari finalement de retour -sa mort n’ayant été qu’une rumeur-, qu’Hippolyte a profité de l’absence du roi pour abuser d’elle, reine en deuil. Et le père de sanctionner la trahison du fils…

Pauline d’Ollone ne change rien à la mécanique d’une intrigue qui a survécu aux siècles et préserve les bonnes pages de Racine pour charpenter son Phèdre(s). Un pluriel assumé puisque, fidèle à son amour des grands textes, la metteuse en scène joue aussi sa carte de la revitalisation de la tragédie classique en y incorporant d’autres sources (Pauvre folle de Phèdre d’Eugène Durif et Pour Phèdre d’Enquist), de manière discrète. C’est aussi par un léger souffle de danse et de phrasé hip-hop qu’elle revisite le drame, invitant sur la scène danseurs et comédiens. Un savant mélange qui vient appuyer les différentes facettes des personnages, tour à tour victimes et bourreaux. On reconnaît bien là la patte de celle qui nous avait offert l’excellent Reflets d’un banquet, son premier spectacle rejouant Le Banquet de Platon. Un chef-d’oeuvre de modernisation d’un classique, pour ne pas dire antique.

Critique scènes: Phèdre au pluriel
© Gaël Maleux

Cependant, Phèdre(s) nous perd un peu par une interprétation inégale (dont on retient toutefois les prestations de Gaëtan Lejeune en Thésée et de Nelly Latour en Phèdre), manquant parfois de nuances. Sur le grand plateau des Martyrs, la mise en scène, qui finit par se remplir d’eau, s’éparpille. On se plaît toutefois à (ré)entendre la beauté de l’alexandrin racinien, à son paroxysme dans cette histoire de « la fille de Minos et de Pasiphaé« . Et le public jeune et moins jeune d’y accrocher sans difficulté.

Phèdre(s), mis en scène par Pauline d’Ollone. Jusqu’au 3 octobre au Théâtre des Martyrs. www.theatre-martyrs.be

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