Critique

[Critique ciné] Antebellum: les fantômes du passé

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Janelle Monáe vit un enfer dans ce petit film de genre faussement rusé qui dénonce le racisme systémique en mode pétard mouillé.

Comme le Get Out de Jordan Peele, Antebellum débute sur un long plan-séquence virtuose qui annonce l’effroi à venir. Le parallèle ne s’arrête d’ailleurs pas là puisque les deux films partagent un même producteur, Sean McKittrick (Donnie Darko, BlacKkKlansman, Us), mais surtout entendent pareillement dénoncer l’abjection du racisme systémique au moyen des outils et des codes de l’horreur cinématographique.

Difficile de pitcher le premier long métrage des Américains Gerard Bush et Christopher Renz sans dévoiler les supposées surprises et autres rebondissements sur lesquels il repose entièrement. Mais disons en tout cas qu’Antebellum se (com)plaît à faire vivre un enfer à Janelle Monáe: sous le nom sursignifiant d’Eden, en effet, celle-ci est réduite en esclavage dans des champs de coton où des soldats confédérés sadiques s’en donnent à coeur joie au rayon viol, torture et meurtre. Impossible, à ce stade du film, de ne pas penser au récent 12 Years a Slave de Steve McQueen, même si l’ambition et surtout la nuance dramatique ne sont clairement pas les mêmes. Mais ce n’est là qu’un début…

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De guerre lasse

Le générique d’Antebellum (« avant la guerre », donc, en latin, soit un terme souvent utilisé dans l’historiographie américaine pour faire référence à la période de la montée du séparatisme ayant conduit à la guerre de Sécession) s’ouvre sur une citation de William Faulkner: « Le passé n’est jamais mort, il n’est même pas passé. » Soit la clé évidente d’un film qui n’ira hélas jamais plus loin dans son propos que ce simple aphorisme à taguer sur les murs. Créature pop et icône queer aux ambitions extra-larges, Janelle Monáe se donne pourtant sans compter devant la caméra de Bush et Renz -on comprend très bien, d’ailleurs, ce qui a pu l’attirer dans cette aventure brandissant pompeusement l’étendard de ses préoccupations intersectionnelles. Mais, à sa suite, le film ne fait que multiplier les personnages en deux dimensions auxquels on ne s’attache jamais vraiment, parce que platement au service d’une mécanique de narration faussement roublarde dont les rouages sont beaucoup trop apparents. Ainsi, le vrai twist retors qu’on attendait n’arrivera jamais, les cinéastes, toujours deux bonnes guerres en retard sur le spectateur, se contentant jusqu’au bout de ménager les bien pâles révélations que l’on avait anticipées depuis longtemps, quelques grossières incohérences -la fillette piquée à The Shining– et autres raccourcis poussifs -Jena Malone en ridicule archétype machiavélique- à la clé.

Divertissement un temps vaguement intrigant et efficace, Antebellum se révèle dès lors tel qu’il est vraiment: un brouillon mal dégrossi du grand film politique qu’il aurait pu être mais ne sera jamais. Un gros pétard mouillé qui mise tout sur un seul et unique concept trop tôt éventé. Un appétissant soufflé qui n’en finit pas de se dégonfler et dont il ne reste, in fine, que des miettes. Tout ça pour ça, donc… Dommage.

Horreur/Thriller. De Gerard Bush et Christopher Renz. Avec Janelle Monáe, Jack Huston, Jena Malone. 1h46. Sortie: 09/09. **(*)

[Critique ciné] Antebellum: les fantômes du passé

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