Body Talk au Wiels: des femmes corps et âme

Miriam Syowia Kyambi lors de sa performance Fractures (I) © Wiels
Flora Eveno Stagiaire

Réunies sur les thèmes du féminisme, du corps et de la sexualité, six artistes africaines exposent leurs oeuvres au Wiels Museum. Du 14 février au 3 mai, les femmes de Body Talk se dévoilent corps et âme.

Le Wiels, ancienne brasserie reconvertie en centre d’art, accueille en ses lieux six artistes contemporaines africaines. Une déclinaison de matière, de textiles et de chairs, qui vient peindre un « féminisme noir » trop peu médiatisé. Ici, le but est de mettre à nu la question la place de la femme dans la société africaine, sur fond de post-colonialisme. Avec cette carte blanche donnée à la curatrice de Body Talk, Koyo Houoh, la volonté du Wiels était de donner une visibilité à des problématiques peu abordées en Europe. « Cette exposition proposée par Koyo entre parfaitement dans la ligne du Wiels, elle aborde le sujet des femmes, d’un point de vue non-occidental » explique Caroline Dumalin, la commissaire-coordinatrice du musée. Figure représentative du féminisme en Afrique, directrice artistique et commissaire à Dakar, Koyo Houoh jouit d’une légitimité totale.

Le « féminisme noir »

Les six artistes viennent du Maroc, de Côte d’Ivoire, d’Afrique du Sud ou encore du Nigéria. Avec des parti-pris très différents, Zoulikha Bouabdellah, Marcia Kure, Miriam Syowia Kyambi, Valérie Oka, Tracey Rose et Billie Zangewa portent la flamme du « féminisme noir », celui des femmes africaines. « Quand on parle du féminisme, c’est pour désigner le féminisme blanc. Il y a un oubli, un manque du côté de la cause de la femme noire« , raconte Caroline Dumalin.

Ne se reconnaissant pas dans le « féminisme occidental », les artistes invitées se revendiquent d’une autre mouvance, propre à la génération des années 90. Parce que leur histoire est sensiblement différente de celle des autres féminismes, leurs combats n’ont pas été et ne sont pas les mêmes. Le colonialisme a retardé le combat féministe africain et aujourd’hui, les femmes souffrent d’autres discriminations alarmantes: la propriété terrienne ne leur est toujours pas accessible directement (Maroc, Malawi), et les viols, essentiellement perpétuées sur des femmes, sont récurrents comme armes de guerre dans plusieurs régions (Nord et Sud Kivu).

Zoulikha Bouabdellah, série Nues.
Zoulikha Bouabdellah, série Nues. © Wiels

Le post-colonialisme en filigrane

Beaucoup de plaies doivent être cautérisées. Les femmes africaines portent un double-fardeau exprimé dans Body Talk: les restes de la colonisation et leur condition féminine. Fil rouge de l’exposition, ces deux problématiques s’entremêlent et s’expriment à travers les corps et leur représentation. L’artiste Valérie Oka se met à nu dans une cage, habitée par un sexe géant d’homme blanc, pour montrer une double-domination masculine et sociétale sur la femme noire. « On se rend compte d’une attitude post-coloniale dans l’art, mais les fantômes du passé sont toujours là« , ajoute Caroline Dumalin. Pour Koyo Huouh, une fois la question post-coloniale digérée, le féminisme pourra totalement s’exprimer.

Valérie Oka, En sa présence (performance)
Valérie Oka, En sa présence (performance)© Wiels

Une exposition nécessaire

Dans leurs tableaux, sculptures et performances, les six artistes essayent de surmonter, de faire face à l’oppression dont elles souffrent. Elles apportent un point de vue nouveau, trop peu entendu. Body Talk est un corps-à-corps entre les artistes et le public. Tantôt sensuelle, tantôt déstabilisante, l’exposition est une prise de conscience.

Informations pratiques:

Body Talk: Féminisme, sexualité et corps dans l’oeuvre de six artistes africaines. Du 14 février au 3 mai 2015 au Wiels Museum, avenue Van Volxem 354 à 1190 Bruxelles. www.wiels.org

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