Critique

Bird Box: à la vue, à la mort

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Anxiogène mais mécanique à l’excès, le thriller post-apocalyptique de Susanne Bier s’essouffle sur la distance en dépit de l’abattage de Sandra Bullock.

C’est incontestablement le must du moment: mis en ligne le 21 décembre, Bird Box, le thriller post-apocalyptique de Susanne Bier, aurait été visionné par 45 millions d’abonnés de Netflix en première semaine, un record. Dans la foulée, et pour ce qui ressemble fort à une stratégie de communication, la plate-forme invitait ses visiteurs à ne pas jouer au Bird Box Challenge inspiré par le film -entendez à ne pas tenter des cascades diverses les yeux bandés, à l’instar de celles exécutées par Sandra Bullock à l’écran.

Le film s’ouvre alors que Malorie (Bullock donc) et ses deux jeunes enfants, Boy (Julian Edwards) et Girl (Vivien Lyra Blair) embarquent, les yeux bandés, sur une rivière de tous les dangers, dans ce qui ressemble fort à un périple de la dernière chance – « If you look, you will die », assène leur mère sans plus y mettre les manières aux mioches. La cécité fait en effet office d’assurance-vie dans un scénario nous ramenant bientôt cinq ans en arrière, alors qu’une mystérieuse présence se répand sur Terre, poussant ceux qui observent le phénomène au suicide dans des accès de panique irrationnels. Destin funeste auquel tente de se soustraire une poignée de survivants d’une ville californienne, retranchés dans une maison. Et le survival d’opérer classiquement par va-et-vient, alternant fuite aveugle sur la rivière sauvage et flash-back balisés d’épreuves successives…

Bird Box: à la vue, à la mort

N’étant pas sans faire écho à The Happening de M. Night Shyamalan, Bird Box débute de stimulante manière, flip sous haute tension charriant un climat anxiogène judicieusement entretenu par la musique de Trent Reznor et Atticus Ross. Si les ficelles sont parfois un peu grosses, entre bestiaire classique de fin du monde et échantillon de survivants démographiquement correct, l’ensemble fonctionne efficacement, que relèvent encore diverses touches d’humour noir et de second degré -ainsi lorsque John Malkovich, cabot mais impeccable en croque-mitaine de service, y va d’un « We’re making the end of the world great again ». Dommage toutefois que la machine s’enraye quelque peu sur la distance, sous les coups d’un scénario trop répétitif et, in fine, prévisible, mais aussi, passés les écrans de fumée, de la mise en scène atone et impersonnelle de Susanne Bier (After the Wedding, Love Is All You Need) -l’on peut rêver de ce qu’un David Robert Mitchell, par exemple, aurait pu tirer de semblable matériau. Reste, soutenu par une interprétation solide où, à l’abattage de Sandra Bullock, par ailleurs productrice du film, répond le charisme tranquille de Trevante Rhodes (Moonlight), un thriller post-apocalyptique d’honnête facture, à défaut du phénomène escompté…

Bird Box, de Susanne Bier. Avec Sandra Bullock, Trevante Rhodes, John Malkovich. 2h04. Disponible sur Netflix. ***

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