Avec sa websérie Addicts, Arte défriche un territoire audiovisuel inconnu

© addicts.arte.tv

Addicts est un projet de websérie développé par Arte. Si sur le fond, il ne dynamite pas les conventions, sa forme peut être considérée comme une petite révolution.

Le Web fait sortir la fiction française de sa zone de confort. Cela fera enrager ceux qui ne l’envisagent que le dos bien calé sur les coussins du canapé. Et réjouira les autres, amateurs d’expérimentations audiovisuelles, digital natives ou non. Même s’il faut assimiler un solide mode d’emploi avant de s’y attaquer.

Arte a lancé il y a quelques jours sur son site une websérie d’envergure inédite, coûteuse (un million d’euros environ), complexe et innovante. Addicts, c’est son nom, est en réalité une mosaïque de petites séquences, 5 par « épisode » (mais le terme est mal choisi tant tout ici est saucissonné). Réalisée par l’écrivain Vincent Ravalec, elle s’articule autour de 4 personnages habitant dans une cité bordelaise, loin des cannelés et des ballons de rouge sirotés au détour d’une ruelle en pavés. Il y a Saad qui sort de prison, Damien qui voudrait arrêter les conneries, Anna qui filme son quartier et Djibril qui fait son trou comme styliste. Tiraillés entre rédemption et argent facile, ils se retrouvent mêlés, de près ou de loin, à une affaire de braquage doublée d’un enlèvement d’enfant. La trame est noire, la caméra nerveuse, les personnages (joués principalement par des comédiens amateurs et des gens du cru) nuancés. Pas forcément un chef-d’£uvre, mais un canevas qui détone dans le paysage audiovisuel français. Et surtout, une construction inédite, premier exemple de production fictionnelle Web hexagonale qui a vraiment compris le support dans lequel elle s’inscrivait.

1. Elle casse la linéarité:

Addicts, en fait, c’est un puzzle -qu’on peut débuter par où on le sent-, mais dont toutes les pièces contribuent à brosser le tableau final. Cinq capsules (tournant autour des 3 minutes) par webisode, explorant une même réalité avec des angles différents. C’est à notre connaissance la première fois qu’une websérie ose sortir du schéma télévisuel linéaire, et se différencier des programmes courts qu’à défaut de caser sur antenne (ou en attendant sa diffusion télé, comme Les Experts Bxl, lourdingue spin-off de la série belge Melting Pot Café), on poste sur le portail d’une chaîne.

2. Elle utilise toutes les potentialités du Web:

Et là on sent l’influence du format webdocumentaire -un trajet qui paraît lui aussi inédit, tant c’est davantage l’écriture fictionnelle qui semblait contaminer les productions journalistiques contemporaines. Avec un internaute qui pose des choix, avec des auteurs et des producteurs qui se servent de Facebook et de Twitter pour promouvoir leur contenu et l’enrichir, avec des cartes cliquables pour naviguer dans l’univers de la série…

3. Elle fait confiance à l’intelligence de son spectateur:

Celui qui regarde Addicts s’enfonce dans une jungle, un labyrinthe dont il doit lui-même trouver la sortie. Personne ne lui tient la main. C’est à la fois un risque (celui de décrocher) et un argument de vente (celui d’une autonomie que recherchent de plus en plus les mordus de la Toile). Une chose est sûre: Addicts, dont Arte postera des webisodes jusqu’au 17 décembre, défriche un territoire audiovisuel sur lequel il reste tout à faire.

Myriam Leroy

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