Critique

[à la télé ce soir] Like a Virgin, pure fiction

© Drôle de Trame
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Si sur Internet de plus en plus de jeunes filles mettent leur virginité aux enchères, les sites permettant de retrouver sa « pureté perdue » pullulent. Intelligent, fouillé et bien construit, Like a Virgin questionne ce qui n’est finalement qu’une invention.

Bal de la rose blanche. On est en Alabama. À un « purity ball« , comme on dit là-bas. Des filles et leurs pères y signent des pactes de pureté. Elles font la promesse solennelle de chasteté avant le mariage tandis que les paternels s’engagent à protéger l’intégrité de leur corps et de leur âme. Ces soirées flippantes sont organisées par des chrétiens évangéliques conservateurs et elles prennent de l’ampleur depuis une vingtaine d’années. Aux quatre coins du monde, des révolutions conservatrices brandissent la virginité comme le symbole d’une reconquête morale. Le phénomène est inquiétant.

« Depuis la révolution sexuelle de l’après 68, on la pensait ringardisée. Mais la virginité fait de la résistance… Celle des femmes bien sûr. On s’est rarement soucié de celle des hommes« , s’empresse de préciser le documentaire de Feriel Ben Mahmoud. Si sur Internet de plus en plus de jeunes filles en détresse financière, mais pas que, mettent la leur aux enchères à des sommes faramineuses, les sites permettant de retrouver sa « pureté perdue » pullulent. Intelligent, fouillé et bien construit, Like a Virgin questionne ce qui n’est finalement qu’une invention. Un mythe fabriqué par l’Histoire, la religion et la médecine. Une fiction qui emprisonne le corps des femmes. Le documentaire raconte la réfection d’hymen (Paris Hilton, toujours aussi clairvoyante, s’y soumettra pour redevenir une jeune vierge pure et convenable), une virginité qui n’existe pas anatomiquement parlant et les mensonges propagés jusque dans certains dictionnaires. Il épingle aussi les pratiques humiliantes de vérification, les subterfuges avec les pilules de faux sang pour simuler un saignement lors de la nuit de noces, Bush qui finançait des groupes pro-virginité, et les aides américaines à l’Afrique pour la lutte contre le sida assorties de conditions de promotion de l’abstinence jusqu’au mariage (le préservatif s’en est retrouvé délaissé).

Diplômée en Histoire et en sciences politiques, Feriel Ben Mahmoud a fait du monde arabo-musulman le centre de son travail documentaire (Foum Tataouine, Ghadamès, la perle du Sahara) mais elle fait ici un petit tour du monde qui l’amène jusqu’au Bénin et à ses Trophées Vierges. Psychologue, historienne, anthropologue ou encore chirurgien en gynécologie esthétique alimentent cette passionnante enquête.

Documentaire de Feriel Ben Mahmoud. ****

Lundi 25/01, 21h10, La Trois.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content