Critique

[à la télé ce soir] L’Ange blond de Visconti

Björn Andrésen, 50 ans après Mort à Venise. © MANTARAY FILM
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Le documentaire de Kristina Petri et Kristian Lindström retrace un improbable destin, tire le portrait d’un garçon à la beauté de statue qui a inspiré Lady Oscar et lève le voile sur une histoire familiale enterrée.

Luchino Visconti fait passer des auditions à Stockholm. Pour le rôle principal de son nouveau film Mort à Venise, il est à la recherche d’un idéal. Un jeune garçon incarnant la beauté absolue. Cela fait des années qu’il parcourt l’Europe à sa recherche. De l’autre côté de la porte, la vie d’un adolescent de quinze ans est sur le point de basculer. Il est grand, blond et a les yeux gris. Il s’appelle Björn. Un charisme particulier, une beauté incroyable et un vrai visage de cinéma.

Cinquante ans plus tard environ, un homme à la longue chevelure blanche appelle l’association de défense des locataires. Il est menacé d’expulsion. Le proprio veut résilier son bail. Björn Andrésen, celui que Visconti qualifiait jadis de « plus beau garçon du monde » (qualificatif qui l’a poursuivi toute son existence), a longtemps vécu reclus et en ermite. « Quelqu’un a dit que Visconti avait donné un ordre très clair aux membres de l’équipe qui étaient tous homosexuels. Il leur était strictement interdit de poser ne serait-ce qu’un oeil sur le petit Tadzio. J’étais sans le savoir sous la protection du grand patron en quelque sorte« , se souvient-il. C’est à Cannes que la tempête éclate et que le cirque commence. « J’avais l’impression d’être constamment survolé par une nuée de chauves-souris. Je vivais un cauchemar éveillé. » L’admiration, la flatterie, l’amour étrange et volatile des inconnus… Après la soirée de gala sur la Croisette, le jeune homme se retrouve dans une boîte de nuit. Une boîte gay. Il se souvient encore des murs en velours rouge, des regards lubriques, des lèvres humides. « C’était comme si tout le monde voulait se sucer. Alors j’ai bu. Un verre après l’autre. Tout ce qui me tombait sous la main. Pour pouvoir me couper du monde. Je ne sais pas comment j’ai fait pour rentrer. » Au Japon, c’est encore une autre histoire. Sony a enregistré des chansons pop sur lesquelles il n’a plus qu’à poser sa voix. Une agence le veut pour tourner un spot publicitaire. Et des fans l’attendent armés de ciseaux pour lui couper des mèches de cheveux. Andrésen a fait quelques films après, un peu de télé, du théâtre. Sa carrière marchait plutôt bien mais ça ne changeait rien au problème qui le minait de l’intérieur. Le documentaire de Kristina Petri et Kristian Lindström retrace un improbable destin, tire le portrait d’un garçon à la beauté de statue qui a inspiré Lady Oscar et lève le voile sur une histoire familiale enterrée.

Documentaire de Kristina Petri et Kristian Lindström. ***(*)

Lundi 01/11, 23h00, Arte.

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