Critique

[À la télé ce soir] Avec le sang des hommes

Salle des fontaines de l'abattoir de Vitré, en Ile-et-Vilaine. © Iskra
Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

Plongée assez vertigineuse dans l’univers rougeâtre des abattoirs, Avec le sang des hommes parle de ceux qui tuent les bêtes, les dépècent, les découpent, à longueur de journée.

De plus en plus, le bien-être animal semble s’inviter à la table de nos préoccupations. Des images, souvent cruelles et intenables, posent la question de la légitimité que nous avons, en tant qu’humains, à faire subir aux bêtes des sorts aussi peu estimables, fût-ce pour nous alimenter. Si cette question découle forcément du documentaire coup-de-poing de Raphaël Girardot et Vincent Gaullier, elle n’est présente qu’en filigrane. Ici, les enjeux sont ceux du labeur qui transpire sur la viande. Plongée assez vertigineuse dans l’univers rougeâtre des abattoirs, Avec le sang des hommes parle de ceux qui tuent les bêtes, les dépècent, les découpent, à longueur de journée. L’acte de tuer, ici, n’est pas montré en tant que tel. Mais les vaches mortes défilent par centaines -600 bovins et 1200 agneaux achèvent quotidiennement leur parcours dans cet abattoir de Vitré. Alors, la caméra, au plus près des travailleurs, enregistre forcément le ballet des carcasses, et on imagine l’odeur de sang, puis on le voit, ce sang, éclabousser les combinaisons, les visages. Difficile de ne pas être écoeuré. Les ouvriers travaillent à la chaîne, dans des conditions de pénibilité incontestables: les obligations d’hygiène et de rendement les poussent à des cadences élevées, au mépris des articulations, qui trinquent à l’année. Pour tous ces éléments, le film fait froid dans le dos. Parce qu’il nous met le nez dans la souffrance qui existe dans nos assiettes: celle des vaches au cerveau percé, étêtées puis coupées en deux, mais également celle des travailleurs, qui s’échinent à la tâche.

Dénué de pathos, le documentaire de Raphaël Girardot et Vincent Gaullier, qui se sont insérés dans l’entreprise pendant une année, capte aussi des moments d’apprentissage et puis des pauses, où les ouvriers mangent tartines et Tupperware dans des scènes d’une tristesse assez absolue, de celles qui feraient passer les longs métrages des Dardenne pour des comédies romantiques. Pas forcément le film le plus réjouissant de l’année -autant vous prévenir-, mais un témoignage fort de ce que peut encore être le prolétariat, au XXIe siècle.

DOCUMENTAIRE DE RAPHAËL GIRARDOT ET VINCENT GAULLIER.

Ce vendredi 27 mai à 23h20 sur Arte.

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