Laurent Raphaël

500 gr. de philo svp

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

L’édito de Laurent Raphaël

Vous en avez assez de vous coltiner l’apocalypse à toutes les sauces? Essayez la philo! Pas vraiment un remède de cheval contre la migraine existentielle mais plutôt des soins palliatifs pour accompagner les dépressifs en phase terminale. Flirter avec Hegel ou Spinoza n’a jamais rendu plus optimiste ni plus heureux mais permet de prendre un peu de hauteur, d’ouvrir le capot de son existence pour voir d’où viennent les fuites plutôt que de rester bêtement sur le bord de sa propre route. Ça tombe bien, la discipline a mis beaucoup d’eau dans son vin grec ces dernières années pour éviter les ulcères métaphysiques. Depuis que le Norvégien Jostein Gaarder a inauguré la philo soft en 1991 avec son Monde de Sophie, les barrières psychologiques sont tombées. Dans la foulée, des cafés-philo ont poussé comme champignons sous la pluie. Même si une majorité d’âmes égarées préfère toujours être tenue en laisse par les fondamentalismes de tous poils, les rangs des adeptes au grand plongeon dans les eaux intérieures n’ont cessé de gonfler.

Dans un monde qui a perdu ses béquilles idéologiques, les questions qui tombent à pic ne manquent pas. Faute de trouver des réponses satisfaisantes au rayon prêt-à-penser des supermarchés du libéralisme, pourquoi ne pas chercher en soi… Vingt ans plus tard, cette « philophilie » conserve toute sa vitalité, elle a ses émissions, ses sites Internet, ses pipoles (Raphaël Enthoven, Michel Onfray…) et ses agoras, comme ces Mardisdelaphilo.be, un décalque du modèle parisien. Au programme: des « cycles de conférences philosophiques accessibles à tous », gymkhana cérébral entre « L’impalpable énigme du temps » et « Le merveilleux et le simulacre ». Une soif de connaissance qui ne s’arrête pas à ces concepts un peu intimidants. Elle s’aventure volontiers ces derniers temps dans le monde de la culture et du divertissement, esquissant du même coup les contours d’une herméneutique pop. Séries télé (Philosophie en séries de Thibaut de Saint Maurice), musique (Rock’n philo de Francis Métivier) et surtout cinéma (Cinéphilo d’Ollivier Pourriol) figurent ainsi au menu du banquet des penseurs du temps présent.

Volonté de desserrer la cravate? De la jouer cool? Pas seulement. La fiction jongle avec les lieux communs. Qui se trouvent être l’engrais principal de la philo. Chaque oeuvre un peu ambitieuse porte en elle les germes d’une méditation sur le monde. Fight club ou X-Men? Peut-on changer de vie sans y laisser des plumes (Spinoza). Matrix ou Where is my mind des Pixies? Le réel est-il ce que je vois (Descartes). Libre à chacun de compléter la liste. Envie d’une cure de nihilisme (Nietzsche)? Prenez un ticket pour le Melancholia de Lars von Trier. Besoin pressant de dénouer les fils du bien et du mal (Hannah Arendt)? Plongez dans les sagas Star Wars et Lord of the Rings… Avec un peu de pratique, des maximes enrobées de sagesse jailliront de votre cerveau, comme celle-ci, piquée à Michel Serres: « N’étant porteuse d’aucun sens, la musique les possède tous. » Vous reprendrez bien une tranche de philo?

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content