Considéré comme l’un des plus prolifiques, doués et engagés songwriters de ces dix dernières années, Conor Oberst délaisse Bright Eyes et tente l’échappée solitaire….

Dans 20 ans, on parlera de Conor Oberst comme on évoque aujourd’hui un Bob Dylan, un Neil Young ou un Bruce Springsteen. Si notre mémoire n’a pas flanché, on racontera à notre progéniture qu’il a joué le 1er janvier 2008 pour Barack Obama dans l’Iowa et déclaré à la foule, avant même de savoir si le démocrate prendrait le dessus sur Hillary Clinton et John McCain:  » J’ai rencontré le futur président des Etats-Unis. » C’est sûr. Volontairement ou non, Conor Oberst a rendez-vous avec l’histoire. D’ailleurs quand celui que le magazine Rolling Stone vient de sacrer meilleur songwriter de 2008 ( » il aurait quand même pu attendre la fin de l’année« ) se rend à Amsterdam pour assurer la promo de son album solo, c’est le jour où le tabac est officiellement interdit dans les bars, restaurants, boîtes de nuit et coffee-shops. Conor est né à Omaha. Dans le Nebraska que chante si bien Springsteen. On dit de Mozart qu’il a manifesté des dons prodigieux pour la musique dès l’âge de trois ans. La mère de Conor prétend qu’il jouait des percussions sur le piano familial après avoir soufflé deux petites bougies sur son birthday cake. Il a commencé la guitare à dix printemps et écrivait déjà des chansons alors qu’il ne connaissait que deux accords. En 1993, le petit Oberst pondait son premier album: Water. Un disque financé par son frère, Justin, et sorti, en cassettes, sur ce que les deux gamins allaient appeler Lumberjack Records. Cette maison de disques – « enfin, quelques tapes avec notre nom dessus » – aujourd’hui s’appelle Saddle Creek. Elle héberge The Good Life, Cursive, The Faint, les Two Gallants… Pour beaucoup, Conor Oberst est Bright Eyes et Bright Eyes est Conor Oberst. A quoi rime dès lors un disque solo? Sur la blogosphère, tout le monde s’interroge. Chacun y va de sa petite explication.  » Peut-être cherche-t-il à éviter quelqu’un. Une ex-petite amie qui ne le connaît que sous le nom de Bright Eyes. Ou alors veut-il induire en erreur le postier qui, réglé comme une horloge, lui dépose des sacs et des sacs de remerciements adressés par des hommes et femmes dont il a rendu la vie plus douce. »

Magique

 » Il s’agit d’un malentendu, précise le jeune homme . Je ne suis pas Bright Eyes. Du moins, je ne lui suis plus. Mike Mogis participe à tous les disques de ce projet depuis la fin des années 90. C’est un super producteur et il joue pas mal d’instruments qui ont façonné le son du groupe. Par exemple, de la mandoline et du banjo… Mike tenait à passer un peu de temps avec sa femme et sa fille de 4 ans. Moi, je voulais continuer à avancer. » Et c’est ce qu’il a fait.  » Je n’avais pas ma mère pour me tenir la main, plaisante-t-il. Et dans un sens, ça m’a libéré. Personne ne savait ce que je faisais. Personne ne plaçait en moi des attentes démesurées. J’ai rarement pris autant de plaisir à enregistrer un disque. » Peut-être parce qu’il a décidé de le mettre en boîte à Tepoztlan, un petit patelin légendaire situé dans les montagnes rocheuses de l’Etat de Morelos. Oberst aime le Mexique et ne voulait pas enregistrer dans un studio.  » Une copine m’a appelé et envoyé des photos de cette villa divisée en quatre petits bungalows. On en a utilisé un pour enregistrer et on a vécu dans les trois autres. Je décrirais l’endroit comme chaud et isolé. » Les lieux sont aussi réputés pour leurs mystérieuses vibrations –  » c’est là que serait né Quetzalcoatl, une divinité aztèque » – et l’apparition de quelques phénomènes dits extra-terrestres – « je n’ai jamais vu d’ovni mais j’y crois. »

Conor, lui-même, est hallucinant. Il n’a que 28 balais mais on aurait déjà besoin d’un bouquin pour brosser son portrait. Celui d’un ardent opposant à Clear Channel. « On participe parfois à des événements dans lesquels cet ogre est d’une manière ou d’une autre impliqué. Tout simplement parce qu’il est pratiquement impossible qu’il en aille autrement. Mais de manière générale, on essaie de jouer pour des promoteurs locaux. Tous ces mecs qui nous ont soutenus et aidés à grandir. On sait comment Clear Channel s’y prend pour les écraser. On sait aussi que ses dirigeants contrôlent des tas de stations radios, l’affichage dans les aéroports et maintenant les carrières d’artistes comme Madonna et U2. »

Si les quatre cinquièmes de l’industrie musicale préfèrent se taire ou pire n’ont strictement rien à dire, Conor revendique son droit à l’ouvrir.  » Etre un musicien ne signifie pas que tu cesses d’être un citoyen. Une démocratie qui fonctionne, c’est une démocratie à laquelle tout le monde peut participer. Quand j’en ai l’occasion, j’exprime mon opinion. Je fais entendre ma voix. Ma musique, mes paroles (NDLR, sa formation Desaparecidos est ouvertement politique) ont toujours été relativement engagées. Je pense que mon attitude répond à une certaine logique. » Celle d’un grand monsieur.

www.conoroberst.comConor Oberst. Distribué par Wichita/V2 (voir notre critique dans notre numéro 20 août en page 21). En concert le 3/09 au Botanique.

Rencontre Julien Broquet, à Amsterdam.

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