LE CENTRE BELGE DE LA BANDE DESSINÉE S’OFFRE LA PREMIÈRE GRANDE RÉTROSPECTIVE DE L’AUTEURE DE TAMARA DREWE. POUR UNE FOIS, LES ANGLAIS N’ONT PAS TIRÉ LES PREMIERS…

La Reine Elisabeth II doit en manger un de ses chapeaux: pendant 5 mois, l’un des secrets culturels les mieux gardés de l’Empire britannique est célébré à Bruxelles! Le CBBD inaugure en effet ce mardi la première grande rétrospective jamais consacrée à l’£uvre de Posy Simmonds. Une lady née en 1945, auteure en 40 ans de carrière de milliers de cartoons et d’illustrations et de quelques « romans illustrés » qui n’appartiennent qu’à elle, et seule dessinatrice (sur deux dessinateurs) à faire partie de la vénérable Royal Society of Literature. Un véritable trésor national qui serait aujourd’hui encore largement méconnu en dehors de son île si Stephen Frears n’avait pas adapté en 2010 son roman graphique Tamara Drewe, d’abord publié comme la plupart de ses £uvres dans le quotidien The Guardian. Une reconnaissance internationale -et un gros coup touristique pour le CBBD, qui espère attirer avec elle plus de 100 000 visiteurs, dont beaucoup d’Anglais- dont Mrs Simmonds ( please, call me Posy) s’étonnait encore, à quelques jours du vernissage:  » J’ai été très surprise et honorée par la demande du CBBD. J’ai bien sûr déjà eu des expositions, mais jamais une telle rétrospective. Mon art n’est effectivement pas très londonien, ce qui est toujours un peu une tare dans mon pays », s’amuse cette charmante sexagénaire, qui cache, comme toute bonne Anglaise, derrière ses bonnes manières et ses dessins tout en distinction et finesse, un esprit volontiers retors et un regard sans concession sur les « middle et high classes » britanniques.

Paul Gravett, commissaire de la rétrospective, estime que votre art est profondément anglais par l’omniprésence de trois thèmes dans vos romans graphiques: les allusions littéraires, les conflits de classes sociales et les désirs réprimés. Etes-vous d’accord avec ce résumé?

(Elle rit) Tout à fait, c’est très anglais et très présent dans mes romans. Les conflits de classes sont encore très prononcés en Angleterre. Notre système éducatif par exemple est très clivant, plus que partout ailleurs. J’aime surtout aborder la comédie humaine telle qu’elle existe ici, et parfois mettre le doigt dans la plaie. Dans Tamara, par exemple, je montre à quel point les adolescents bourgeois ont une enfance terriblement ennuyeuse dans les petits villages anglais. Mais je n’invente rien: je les ai vus, ces ados qui restent des heures à un arrêt de bus sans rien faire! Ce dés£uvrement des campagnes, c’est aussi typiquement anglais.

Mais ça n’explique pas pourquoi votre £uvre est largement méconnue en dehors de vos frontières, alors qu’elle connaît un énorme succès en Angleterre.

La culture anglaise est globalement plus littéraire que visuelle. Evoquez les arts anglais, et on vous parlera poésie, littérature, théâtre… Les cartoons ont, eux, toujours été très politiques, tournés vers l’actualité nationale. Et puis tous mes travaux sont liés aux journaux, au Guardian en particulier.

Effectivement, à part vos livres pour enfants, toutes vos £uvres démarrent dans les pages du Guardian, avec souvent d’énormes contraintes d’espace. Ce sont de telles contraintes qui vous ont amené à développer votre narration si particulière, ce mélange de textes et de dessins qu’on ne retrouve que chez vous?

Tout à fait. Roman graphique, roman illustré, BD… On peut chercher à la nommer, mais la plupart du temps, la forme s’impose à moi. Pour Gemma Bovery, le Guardian m’avait offert un espace vertical de trois colonnes, que j’ai pu investir comme bon me semblait. Le choix d’utiliser des images ou des textes est très réfléchi: les moments dramatiques s’expriment bien en dessin, mais le texte se prête mieux aux interactions entre les personnages. Et pour mettre en scène les voix intérieures, les sous-titres sont très efficaces. Ce n’est qu’après une longue série d’épisodes que j’ai découvert que des manières s’imposaient, qu’une grammaire se mettait en place. l

u RÉTROSPECTIVE POSY SIMMONDS, ESSENTIELLEMENT ENGLISH, DU 12/06 AU 25/11, AU CBBD, 20 RUE DES SABLES À 1000 BRUXELLES. WWW.CBBD.BE

RENCONTRE OLIVIER VAN VAERENBERGH, À LONDRES

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