Trois sœurs

© National

S’il te bat, c’est qu’il t’aime”, dit un proverbe russe, que se répétaient à mots couverts les femmes entre elles. Jusqu’à cette nuit de juillet 2018 où trois sœurs ont abattu leur père violent et incestueux. Ce drame familial longtemps resté confiné aux murs de l’appartement a soudain pris une ampleur inédite dans la société russe, où #MeToo n’a pas vraiment fait un tabac. Sous un titre à la Tchekhov, Laura Poggioli s’empare de ce récit médiatique pour dresser un portrait sans concession de la Russie contemporaine, qu’elle connaît bien pour l’avoir rêvée puis vécue. Sa propre histoire (la sienne mais aussi celle des femmes de sa famille) entre en résonance avec celle de ces sœurs. On n’est pas vraiment dans la fiction, plutôt dans une ré-imagination du réel, où la présence de l’instance narrative se charge de rappeler le dispositif. Un format assez en vogue, où le “je” prend toute sa place, jetant des ponts entre les expériences et les territoires, et où le fait divers endosse une dimension cathartique, sur le plan intime comme sur le plan sociétal. Dans un style sans fioritures, peut-être un peu atone, l’autrice poursuit à distance l’exploration de son pays de cœur, l’occasion salutaire de questionner la place des femmes en soulignant les failles du système.

De Laura Poggioli, éditions L’Iconoclaste, 270 pages.

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