Top-cases (5/6): la goutte, une infinité de sentiments et de situations

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Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Chaque semaine, décryptage express d’un gimmick graphique propre à l’univers de la BD. Cette semaine: la goutte.

Quoi

Goutte d’eau, de sueur, de larme, de sang… La goutte est probablement l’effet visuel le plus mis à toutes les sauces de la bande dessinée. Une convention à la fois universelle et multiple, qui va de l’art à la facilité, capable d’incarner une infinité de sentiments et de situations.

Origine

La goutte, expression d’un sentiment exacerbé et soudain comme la surprise ou l’effroi, apparaît bien sûr dès la fin du XIXe siècle, entre autres dans le fameux The Katzenjammer Kids de Rudolph Dirks, mais est encore relativement discrète -ce n’est que bien après la Seconde Guerre mondiale, et la reprise de la série par Joe Musial en 1956, que l’effet de goutte y est quasiment omniprésent. Il envahit toute la bande dessinée, y compris franco-belge, qui en use et abuse, mais qui lui donne aussi d’infinies variations: la goutte peut exprimer l’effort, la surprise, mais aussi l’angoisse ou la gêne, selon sa position et son nombre. Hergé aime l’utiliser pour incarner l’effort et la chaleur, Franquin en use comme des « krollebitches » incarnant autant le mouvement que la gêne; Turk en abuse pour enfoncer le clou cartoonesque de Léonard, mais même Tardi ou Larcenet aiment à l’utiliser avec parcimonie -principalement la goutte d’angoisse, coulant lentement le long de la tempe.

Anecdote

C’est du côté du Japon et du manga qu’on trouve les utilisations les plus audacieuses et inventives de la goutte. Outre d’en exagérer encore la présence et l’impact pour bien marquer les sentiments d’angoisse, de tristesse ou de surprise qu’elle est capable d’incarner -la goutte peut avoir une taille proportionnelle à la tête des personnages, elle peut même être visible de dos!-, elle est devenue un puissant symbole d’excitation sexuelle: dans des classiques comme Dragon Ball ou Naruto, des gouttes de sang apparaissent au nez des personnages dès qu’ils font face à un stimulus érotique et « ecchi » (lubrique). Une métaphore de l’afflux de sang qui provoque l’érection, devenu une référence de la pop culture, via ce vieux pervers de Tortue Géniale qui coule régulièrement du nez dans le Dragon Ball d’Akira Toriyama, et ce dès 1985.

(avec l’aide précieuse du magasin-magazine La Crypte Tonique)

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