To-do or not to-do list (1/8): Mes dix règles d’écriture, par Elmore Leonard

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Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Quand des artistes alignent, pour résumer ou pour rire, les choses à faire et à ne pas faire dans leurs pratiques. Une série illustrée par Pochep.

1. Ne commencez jamais un livre en parlant de la météo.

2. Évitez les prologues.

3. N’utilisez jamais d’autres verbes que « dire » pour accompagner les dialogues.

4. N’utilisez jamais d’adverbe pour modifier le sens du verbe « dire ».

5. Tenez la bride à vos points d’exclamation.

6. N’utilisez jamais de tournures telles que « soudain » ou « l’enfer se déchaîna ».

7. N’utilisez les dialectes régionaux et autres patois qu’avec parcimonie.

8. Évitez les descriptions détaillées des personnages.

9. Évitez de décrire par le menu les lieux et les objets.

10. Essayez de supprimer les passages que le lecteur a tendance à sauter.

La plus importante de mes règles résume toutes les autres: si ça a l’air écrit, je réécris.

C’est en 2000 à Denver, lors de la 32e Convention « Bouchercon » du polar, qu’Elmore Leonard, dit « Dutch », géant des lettres noires américaines (1925- 2013), énumère pour la première fois, et presque comme un gag, ses dix règles d’écriture. Quelques mois plus tard, le New York Times les republie. Puis, c’est son éditeur qui lui demande d’argumenter un peu et d’en faire un petit livre -qui sortira chez Rivages en 2009. Lequel devient aussitôt la bible des néo-auteurs qui se veulent cool, proches de l’écriture de Leonard, une méthode basée essentiellement sur les dialogues et le « less is more »: « Ce sont des règles pour m’aider à rester invisible quand j’écris un livre, m’aider à montrer ce qui se passe dans l’histoire plutôt que de le raconter. »

Ce besoin d’écrivain de disparaître derrière ses personnages et ses dialogues -voeu évidemment pieu!-, l’auteur de Monsieur Majestyk, Get Shorty, Maximum Bob, Punch Créole et de dizaines d’autres polars ou westerns quasiment tous adaptés au cinéma ou à la télévision en fera l’ADN de ses livres. Mais il le déploie réellement et pour la première fois dans Swag, polar et buddy movie écrit en 1976 (et réédité il y a un an) qui met en scène deux braqueurs cool et bavards. L’un d’eux, Frank Ryan, énumère à son futur complice ses « dix règles pour le succès et l’épanouissement dans l’exercice du vol à main armée« , lesquelles rappellent étrangement dans leur objectif de discrétion ses futures règles d’écriture! Parmi celles-ci: « Toujours resté poli pendant le boulot. Dire merci et s’il vous plaît. Ne jamais dire plus que le strict nécessaire. Ne jamais s’adresser à son associé par son nom, sauf si c’est un faux nom. Bien s’habiller. Ne jamais avoir l’air d’un suspect ou d’un clodo. Ne jamais prendre sa propre voiture. Ne jamais parler du business à qui que ce soit. Ne jamais parler à un junkie même pas lui dire comment on s’appelle« , pour finir par cette sentence, pleine de bon sens et d’humour (la patte du Dutch): « Ne jamais s’associer avec des criminels« .

Dans une de ses dernières interviews, Elmore Leonard reviendra une dernière fois sur ces dix règles qui l’ont un peu dépassé: « Les gens qui ne sont pas sérieux pensent qu’elles sont toutes vraies. »

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