Critique | Livres

Tiphaine Samoyault – Bête de cirque

Marie-Danielle Racourt
Marie-Danielle Racourt Journaliste livres

RÉCIT | En 1995, âgée de 26 ans, la narratrice se voyait telle une bête de cirque… En 2010, elle se sent quasiment libre. Que s’est-il passé durant ces quinze années? Sarajevo!

Tiphaine Samoyault - Bête de cirque

Un premier voyage en avion militaire en tant qu’enseignante dans un pays en guerre. Peut-être voulait-elle faire partie de l’Histoire? Mais elle n’y a jamais trouvé sa place, et c’est là que le questionnement a commencé. Tout d’abord par une idéalisation du « temps de la guerre ». Puis ce fut un impérieux besoin de parler, de comprendre cette société qui se pense « comme un tout illimité alors qu’elle devrait travailler sur des tonalités restreintes ». Besoin de comprendre ses ratages: les personnages se sont mariés, ont eu des enfants sans désir, ce qui permet à l’auteure d’écrire des pages magnifiques sur les variations amoureuses, depuis l’éveil jusqu’à la descente vers les abymes de la culpabilité. Le poids des mots plus percutants, plus blessants que les actes. Ces mots-maux qui engendrent les hontes, honte d’être femme, honte d’avoir en permanence l’impression d’usurper la place d’un autre. Ici encore Tiphaine Samoyault écrit des textes d’une beauté fulgurante sur le rôle immuable de la mère. Enfin « la honte inguérissable d’exister ». Alors il lui faut quitter la France « pour que l’imagination déborde ». Il lui faut revenir quinze ans plus tard sur les lieux de l’origine. Neuf textes courts où se mêlent engagement, philosophie existentielle et récits intimistes. L’auteure y manie avec art une palette d’écritures multiples: rigoureuse, vraie, brute dans la lucidité et tellement poétique.

BÊTE DE CIRQUE, DE TIPHAINE SAMOYAULT, ÉDITIONS DU SEUIL, 154 PAGES.

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