LE MYSTÈRE MAIA – MORT EN SORTANT DE SCÈNE À 55 ANS, LE PÈRE DE LA SOUL MUSIC BRÉSILIENNE A MENÉ UNE VIE AUSSI DISSOLUE QUE PETE DOHERTY. PICOLE, DROGUES, TAULE, SECTE… BEST OF.

« NOBODY CAN LIVE FOREVER »

DISTRIBUÉ PAR ESSENTIAL MUSIC/V2.

Tim Maia est l’avant-dernier d’une famille de 19 mômes. De quoi faire réfléchir sur le contrôle des naissances et animer une conversation passionnante avec Freddy Thielemans. Il écrit ses premières chansons à huit ans. Fonde un groupe, The Sputniks, avec son voisin Roberto Carlos. Pas l’arrière gauche footeux à la frappe de mule, mais bien l’une des plus grandes stars (son Francis Cabrel dit-on) de la musique brésilienne. Leurs tempéraments sont cependant incompatibles. Tim part étudier aux Etats-Unis où il passe six mois en zonzon pour s’être fait prendre à fumer un pétard dans une voiture volée avant d’être renvoyé à la casbah. Tout ça, c’est avant 1970 et la sortie de Tim Maia. Le premier album d’une discographie naviguant pendant pratiquement 30 piges entre soul, funk, bossa nova, pop, chansons romantiques et samba. Un catalogue aussi opulent que ce coco, 140 kilos, surnommé le Barry White de Rio De Janeiro.

Si Maia souffre de problèmes d’obésité, il le doit en grosse partie à sa consommation de drogues et d’alcool.  » Je ne bois pas, je ne fume pas, je ne sniffe pas, a-t-il coutume de dire. Par contre, je mens souvent. » Concerts annulés en dernière minute, tête retournée du matin au soir… Tim Maia, c’est un peu le Pete Doherty du groove do Brasil. Le genre de mec qui lorsqu’il fait la visite de Philips, son label, à Londres, distribue des petites pastilles de LSD à tout le monde: des patrons au petit personnel.  » Pour vous ouvrir l’esprit, changer votre vie et faire de vous quelqu’un de meilleur et de plus heureux. » Un bel allumé qui, quand il rejoint la secte Racional Energy, s’habille tout de blanc et enregistre deux disques chantant la philosophie de son culte tout en cherchant des vaisseaux spatiaux dans le ciel. Entreprise résumée à travers les 12 minutes groovy et sexy de Rational Culture.

Maquereaux jaloux, dealers accros…

Alors que viennent de filer les 70 ans de sa naissance, Maia se voit donc célébré par Luaka Bop, le label du Talking Head David Byrne. Nobody Can Live Forever: The Existential Soul of Tim Maia compile le bonhomme en une bonne heure et quinze titres. Une déclaration d’amour et un geste d’utilité publique. Car il a beau être une énorme star au pays, avoir placé le renversant O Caminho Do Bem dans La Cité de Dieu de Fernando Meirelles, faire figurer ses chansons aux génériques des telenovelas -extraits qui ont à coup sûr servi de BO à la conception de milliers de petits Ronaldo-, l’excentrique reste globalement inconnu en dehors du Brésil. En portugais comme en anglais, il brille ici d’une soul funk psychédélique, exotique et squette braguette.

Maia est décédé en 1998 d’une infection généralisée. Ses textes sonnaient parfois bien vides mais il était depuis peu membre du PSB, le parti socialiste brésilien.  » Le Brésil est le seul pays où -en plus des putes qui jouissent, des maquereaux jaloux et des dealers accros-, les pauvres votent à droite« , avait-il dégainé. Sacré personnage.

JULIEN BROQUET

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