The Burnt Orange Heresy, jeu de dupes: « Je voulais donner au film un parfum hitchcockien »

"Des acteurs beaux et élégants fumant des cigarettes et prenant le temps d'énoncer leurs dialogues", selon Giuseppe Capotondi.
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Avec The Burnt Orange Heresy, disponible en VOD, Giuseppe Capotondi s’immisce dans le monde de l’art et des faux-semblants, le temps d’un thriller lissé. Rencontre.

Dix ans séparent La Doppia Ora, le thriller hitchcockien qui révélait Giuseppe Capotondi en 2009, de The Burnt Orange Heresy, son second long métrage, un néo-film noir situé dans le monde de l’art. « Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts en effet, observe-t-il, alors qu’on le rencontre à Venise en 2019, son film faisant la clôture de la Mostra. Mais mon vrai boulot, c’est de tourner des pubs pour la télé, à quoi s’ajoutent des séries (Suburra et Berlin Station notamment, NDLR). Trouver un bon scénario auquel se consacrer exclusivement pendant un an n’a rien d’évident… » Celui de The Burnt Orange Heresy est inspiré d’un roman de Charles Willeford publié en 1971, l’histoire d’un critique d’art retrouvant la trace d’un peintre célèbre vivant coupé du monde, et échafaudant à la suite un plan tortueux. Une intrigue que le réalisateur transalpin a choisi de transposer des marais floridiens aux rives du lac de Côme et à la villa d’un riche marchand d’art où convergent les protagonistes du drame en train de se nouer. « Étant Italien, c’était plus simple pour moi de tourner ici plutôt qu’aux États-Unis. Mais le plus important, c’est que je voulais donner au film un parfum hitchcockien, et que j’avais l’impression que cet environnement y serait propice. Ça tient aussi au style des acteurs: Claes Bang et Elizabeth Debicki (interprétant le critique et sa compagne, NDLR) me font penser à Grace Kelly et Cary Grant, je souhaitais que mon film évoque ceux de l’âge d’or hollywoodien, avec ces acteurs beaux et élégants fumant des cigarettes et prenant le temps d’énoncer leurs dialogues tout en se regardant longuement dans les yeux. Je ne voulais pas d’un film flashy, rapide ou moderne… »

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Un conte faustien

Histoire, peut-être, d’encore souligner le caractère intemporel de ce thriller psychologique, Giuseppe Capotondi en a complété la distribution avec deux légendes: Donald Sutherland, campant le peintre du haut de son imposante filmographie, tandis que Mick Jagger, absent des écrans de cinéma depuis une vingtaine d’années et The Man from Elysian Fields, prête ses traits émaciés au collectionneur. « Mick Jagger est un excellent acteur à mes yeux. J’imagine qu’il a dû faire un choix de carrière à un moment donné, et il a de toute évidence fait le bon. Il a été très facile à convaincre: nos producteurs savaient qu’il avait envie de faire un film à nouveau, tout en ne disposant que de fort peu de temps en raison de ses autres activités. Nous lui avons envoyé le scénario, je suis allé le voir à Londres, et tout s’est mis en place. C’est un rôle difficile, avec des monologues de dix pages, et il a fait du très bon boulot. » Et le quatuor improbable de bientôt naviguer dans un univers de faux-semblants, en quelque jeu de dupes où chacun s’avance masqué, la manipulation étant ici la règle comme le suggère éloquemment la scène d’ouverture. « Si The Burnt Orange Heresy est situé dans le monde de l’art, mon intention n’était pas du tout d’en faire une satire, mais bien de questionner les notions de vérité et de mensonge, et ce qu’il advient lorsque ces derniers deviennent notre réalité, poursuit le réalisateur. C’est un phénomène que nous pouvons observer tous les jours, dans la politique en particulier, à tel point qu’il devient difficile, pour le commun des mortels, d’encore distinguer le vrai du faux. Mon film est un conte faustien sur l’ambition, mais plus encore sur la vérité. »

The Burnt Orange Heresy, jeu de dupes:

Le tout, sous un vernis élégant empruntant à la typologie du film noir: « Le cinéma de genre me fascine depuis l’enfance, que ce soient encore les films d’horreur ou les westerns, parce que je pense, même si j’en étais inconscient à l’époque, qu’il permet de faire passer un message sans avoir l’air trop prétentieux. Ces films sont aussi plus amusants à regarder et à faire, d’où le fait que mes deux premiers longs métrages aient été des thrillers psychologiques. » Tenant d’une certaine tradition, Capotondi est néanmoins un pragmatique. Ainsi, lorsqu’on évoque la diffusion des films: « On ne peut combattre le futur. Si les jeunes regardent désormais les films ou les séries sur leurs téléphones, que voulez-vous y faire? Bien sûr, quand on consacre un an à un film, on espère que le public le découvrira dans les meilleures conditions possibles. Mais si ce n’est pas le cas, et que les spectateurs trouvent leur bonheur sur un écran plus petit, ça me va. Les temps changent, nous devons en tenir compte, et non nous accrocher à une position anachronique, comme faire des films à destination exclusive des cinémas, tournés en 70 mm tant qu’à faire… »

The Burnt Orange Heresy

De Giuseppe Capotondi. Avec Claes Bang, Elizabeth Debicki, Mick Jagger. 1h39. ***

Sortie en Premium VOD le 05/01 sur Proximus Pickx, Sooner, Cinechezvous.be, Voo.

The Burnt Orange Heresy, jeu de dupes:

Adapté par Giuseppe Capotondi de Charles Willeford, The Burnt Orange Heresy n’est pas sans évoquer The Square, de Ruben Östlund, avec lequel il partage son environnement -le monde de l’art-, une esthétique clinquante et son acteur principal, Claes Bang. Ce dernier y campe un critique d’art ambitieux se voyant proposer un curieux marché par un riche collectionneur (Mick Jagger): rencontrer Jerome Debney (Donald Sutherland), le peintre le plus secret de son temps, en échange d’un « service ». Et de se prêter au jeu (de dupes) dans le cadre enchanteur du lac de Côme, sous le regard intéressé de sa compagne (Elizabeth Debicki). Mis en scène avec une élégance fort ostentatoire, ce film néo-noir sinueux brasse diverses considérations sur l’art tandis que ses protagonistes évoluent dans un univers de faux-semblants. Si le propos n’est pas dénué d’intérêt, le film, en dépit d’une interprétation convaincante, se révèle en définitive plus poseur que vénéneux -les apparences sont parfois trompeuses en effet…

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