Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

FERRY FERRY OLD – BRYAN FERRY A TOUJOURS PRATIQUÉ UNE FORME DE RÉTROMANIA MUSICALE, MAIS JAMAIS IL N’ÉTAIT REMONTÉ AUSSI LOIN. AVEC SES PROPRES TITRES, EN VERSION INSTRUMENTALE.

« THE JAZZ AGE »

DISTRIBUÉ PAR PIAS.

Quand Roxy Music sort son premier album en juin 1972, critique et public se pâment devant la possible redéfinition d’un futur rock. Curieusement noyauté au coeur de la modernité plastifiée, Ferry cible pourtant ci et là un passé déjà mythique: le titre 2HB est un clin d’oeil à Humphrey Bogart, Bryan citant d’ailleurs ce dernier via une phrase de Casablanca, film de 1942. Quand, seize mois plus tard, paraît le premier album solo de Ferry, son titre These Foolish Things -un standard anglais de 1936- certifie le goût du dandy anglais pour la reprise, les autres morceaux étant exfiltrés des années 50-60.

Des douze albums solos qui suivront jusqu’à Olympia (2010), seuls trois échapperont au principe de fouiller inlassablement la mémoire musicale du XXe siècle, particulièrement la période qui sépare l’après-guerre des emblématiques sixties. Guère surprenant vu la croonerieendémique de Bryan, celui-ci n’aimant rien tant que marier son oeil de velours vocal aux costards vintage de l’Internationale Jet set. Une certaine idée du glamour.

Le premier choc de The Jazz Age est sa composante 100 % instrumentale: les dévots de Ferry ne trouveront ici aucune trace de larynx cajoleur, signe générique du maestro. Passé ce traumatisme, on fait face à treize titres -tous repris du répertoire de Ferry/Roxy- instrumentaux donc, vertement exécutés dans la veine jazz des années 20. Le contraste entre les originaux, des choses aussi flambeuses que Do The Strand ou Virginia Plain, et leur transformation en oldies cuivrés est le second choc de l’affaire. Initialement, le côté mathusalémique du disque ferait passer Harry Connick Jr pour une galaxie d’iPads bluetoothés alors que Ferry ne serait qu’un téléphone Marty, modèle à manivelle des années 1910. C’est dire que c’est d’un autre modernisme, comme la pochette signée par l’illustrateur français Paul Colin (1892-1985): Ferry a aimé cette époque des Roaring Twentiesparce qu’elle accouchait de plaisirs inédits au sortir d’une guerre ayant fait neuf millions de morts. D’où une boulimie de créer un équivalent musical à la Revue nègreou à l’Art Decotriomphant en Europe alors que Duke Ellington et la prose de Scott Fitzgerald décongelaient l’Amérique frigide de la prohibition. Ferry cosigne la production avec Rhett Davies, s’appuyant sur l’arrangeur Colin Wood, déjà au guidage d’As Time Goes By, bel album ferryesque de 1999 honorant les années 30. Le résultat est à la fois rétro-puriste, mais aussi très groove et souvent surprenant dans sa façon de faire muter les originaux. Faites le test sur Love Is The Drug ou Avalon, deux des plus grands tubes de Roxy, le résultat est alléchant, comme la bonne humeur contagieuse, très Louis Armstrong, de l’entreprise. Aucune sortie en 78 Tours n’est cependant considérée.

PHILIPPE CORNET

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