The Black Angels, démons psyché

The Black Angels © Courtney Chavanell
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Avant de s’attaquer à Werchter, les Black Angels présentent leur nouvel album, racontent leur festival et évoquent le renouveau psychédélique.

Mars 2013. Austin. Texas. Alex Maas est un homme pressé. Il n’a pas le temps. Il file. Et si sa carrière n’est pas en jeu, il est tout de même un homme de plus en plus médiatique. Ses Black Angels se sont sentis pousser des ailes depuis qu’ils ont intégré le top 50 des meilleures ventes d’albums aux Etats-Unis. Le fait d’avoir servi de backing band à Roky Erickson, le fondateur des 13th Floor Elevators? D’avoir atterri sur la bande originale du Limits of Control de Jim Jarmusch? Ou d’avoir accompagné de leur musique un documentaire sur ce taré de Charles Manson? Rien n’est moins sûr.

Quoi qu’il en soit, Alex a du boulot. Les Black Angels sont à l’origine de l’Austin Psych Fest. Festival qui réunit chaque année, fin avril, tout ce qui se fait de mieux dans le domaine halluciné d’un rock qui aime les substances illicites, déjeune au pétard, dîne aux champis et soupe au LSD. Et là, ils profitent de South by Southwest, supermarché de la musique de moins en moins indé, pour s’assurer un peu de publicité, faire jouer Thee Oh Sees, les Besnard Lakes, Jacco Gardner et une soixantaine d’autres à l’Hotel Vegas. Dans un bar, et son jardin, au-dessus duquel apparemment crèche l’un des membres du groupe.

« Au fil de nos tournées, on a rencontré un tas d’artistes incroyables, raconte Maas sur un bout de banc non loin de l’agitation. Des groupes psychédéliques formidables venus des quatre coins du pays. Notre idée, ça a été d’organiser une belle fête à Austin. Un grand rassemblement aussi où éduquer les gens de la ville à ce qui se passait partout dans le monde et nous parlait tant. »

La première édition du festival remonte à cinq ans déjà. Au 8 mars 2008. « Même si elles ne sont plus aussi populaires que dans les années 50 et 60, les musiques psychédéliques bénéficient d’un regain d’intérêt dont profite le festival. Le nombre de groupes, de jours et de scènes n’a cessé de gonfler. En 2013, on a une petite centaine de noms à l’affiche. C’est incroyable. Dingue. Et même très stressant. Le son psychédélique n’a pas d’âge mais ce succès nous étonne évidemment. Si vous m’aviez dit il y a dix ans qu’on ferait jouer le Brian Jonestown Massacre, les Silver Apples, Roky Erickson, les Moving Sidewalks ou Clinic, je ne vous aurais jamais cru. »

Les Black Angels et leur Austin Psych Fest ne font pas que dans le ricain et le british. Ils se promènent aussi en Scandinavie (Goat), au Mali (Tinariwen)…

« J’aimerais entendre davantage de projets psychédéliques qui incorporent de la world dans leur son. Parce que l’un des premiers éléments du psychédélisme, c’était ces groupes tribaux qui faisaient de la musique pour transmettre des histoires de génération en génération. »

Droit au but

Entre deux concerts, parce que les Black Angels jouent aussi (il doit d’ailleurs encore dresser la set-list pour son gig du soir), Maas gère la promo d’Indigo Meadow. Si Phosphene Dream, produit par Dave Sardy, popifiait déjà le discours des Texans, le 4e album des Anges noirs enregistré au Sonic Ranch, à Tornillo, avec John Congleton, enfonce le clou. Plus direct. Plus propre. « John est un type d’ici. Il vit à Dallas. Il a collaboré avec Clinic et pas mal de groupes qu’on aimait beaucoup. C’est un super mec. Les démos étaient plus sales. Et les chansons, c’est clair, vont droit au but. Mais nous cherchions un son différent de ce que nous avions pu proposer auparavant. L’idée a été d’assembler pas mal de bazars sur lesquels on avait bossé plic ploc depuis quelques années. Joindre un refrain à certains couplets. Indigo Meadow est plutôt upbeat pour un groupe aux habitudes mid tempo. »

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Maas et ses trois potes (Nate Ryan a quitté le groupe) ont puisé dans un réservoir de 35 titres. Ceux laissés sur le bord de la route finiront en singles ou en record store days… Né à Seabrook, pas loin de Houston, où ses parents tiennent toujours la pépinière familiale –« un petit paradis avec des plantes exotiques dont mon grand-père avait jeté les bases en ouvrant un commerce spécialisé dans les herbes et les trucs minéraux début des années 50 »-, Alex chérit Austin où la pensée, il le sait, est bien plus libre qu’ailleurs. Les Black Angels appellent souvent au réveil des consciences. « En Amérique, on a l’habitude de nous dire que tout est OK. De lobotomiser les masses avec ce genre d’idées, explique-t-il en évoquant le single Don’t Play With Guns. Les gens en arrêtent de réfléchir. Je pense qu’on se laisse beaucoup trop manipuler. C’est de notre faute. On ne veut pas savoir. On prend ce qu’on nous donne. On croit ce qu’on nous dit. Il y a beaucoup de questions fondamentales à se poser aux Etats-Unis pour l’instant. Notamment autour de l’éducation. Quand tu as autant de problèmes que ceux auxquels on doit faire face, tu ne sais pas par où commencer. La première chose est de parler, de communiquer pour éviter déjà que nos enfants vivent les mêmes merdes que nous. »

Maas veut croire au bon sens populaire. En la bonté des gens. « Jusque dans leur rapport à la musique, précise-t-il. D’ailleurs, les attitudes des auditeurs changent. S’ils veulent que les groupes continuent d’enregistrer ces albums qui leur servent de thérapie, ils doivent les acheter et pas les voler. Je constate que l’idée fait son chemin. »

The Black Angels, Indigo Meadow, distribué par Rough Trade. ***

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