Validé revient pour une deuxième saison: rencontre avec son réalisateur Franck Gastambide

Lalpha (Laetitia Kerfa), en pleine "battle".
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Gros succès du premier confinement, la série Validé revient avec une seconde saison qui carbure toujours aux rebondissements et aux caméos. Mais avec, cette fois, une rappeuse au centre du jeu. Rencontre avec le réalisateur Franck Gastambide.

Ce fut l’un des cartons de 2020. Un hit télé d’autant plus marquant qu’il n’était pas prévu. Qui aurait pu prédire en effet que Validé, fiction ancrée dans le milieu du rap français, deviendrait, avec quelque 35 millions de visionnages sur la plateforme MyCanal, la série française « la plus vue de l’année »? Certes, lancée au mois de mars, elle a pu compter sur l’effet confinement – le premier, le plus « hardcore ». Reclus chez eux, les spectateurs ont eu tout le loisir de s’enfiler les dix épisodes de 30 minutes, suivant le parcours d’Apash, jeune rappeur promis pour la gloire, finalement rattrapé par ses anciens démons.

Aux commandes, on retrouve Franck Gastambide, acteur-réalisateur surtout connu pour ses comédies pop-corn – des Kaïra à Taxi 5. Avec Validé, c’est la première fois qu’il s’essayait au format série. La première fois aussi qu’il proposait une écriture plus dramatique, avec en outre l’idée de tendre vers un certain réalisme. À la manière de Dix pour cent, Validé a ainsi pu compter sur la participation d’une belle brochette d’acteurs du rap français, jouant leur propre rôle – artistes (Kool Shen, Soprano, Ninho, etc.), animateurs (le présentateur de Planète Rap Fred Musa, son patron Laurent Bouneau, Cyril Hanouna, etc.).

C’est encore le cas de la saison 2, qui débarque dès ce 4 novembre sur BeTv. Après le meurtre de leur pote Apash, William (Saïdou Camara) et Brahim (Brahim Bouhlel) décident de lancer un label en sa mémoire. Ils font le pari de signer Sara, alias Lalpha (Laetitia Kerfa), jeune rappeuse qui avait laissé tomber ses rêves de musique. L’intrigue est l’occasion de tirer encore davantage sur les ficelles du polar. Tout en restant fidèle à un environnement rap que Franck Gastambide connaît bien. Au début des années 2000, par exemple, il participait, en tant que dresseur de pitbulls, au clip de Pour ceux, vidéo marquante de l’Histoire du rap français, réalisée par le collectif Kourtrajmé… Le titre était signé de la Mafia K’1 Fry, dans laquelle on retrouvait un certain Rohff. Vingt ans plus tard, il est l’un des seconds rôles de la saison 2 de Validé… Explications avec un réalisateur rincé mais comblé.

Rohff (devant), invité privilégié de Frank Gastambide (derrière).
Rohff (devant), invité privilégié de Frank Gastambide (derrière).

Validé a non seulement été plébiscitée par le public, mais aussi en grande partie par le milieu du rap. Finalement, laquelle de ces deux reconnaissances est la plus jouissive?

Bonne question… D’un côté, la validation du public a été au-delà de ce qu’on espérait tous. A fortiori pour une fiction à petit budget, vue comme une série de niche (au départ, elle ne devait être diffusée que sur le Net, NDLR). Pour Canal+, c’est même un record historique. Je n’oublie pas que je viens des comédies. Et quand vous faites des comédies, vous savez que vous n’irez pas aux César, à Cannes, ou aux Oscars. La récompense c’est d’abord le public. Cela étant dit, il est évident que si, à côté de ce succès, la majorité du milieu du rap n’avait pas considéré Validé, ça aurait été un problème. Parce que c’est la musique que j’écoute depuis toujours. Dès ma première réalisation, il y a dix ans, j’ai une B.O. qui baigne dedans. Au-delà de ça, je dois être le réalisateur français qui a fait tourner le plus de rappeurs. Il y en a dans tous mes films!

Créer une fiction autour de la musique reste un exercice délicat. Quels étaient selon vous les écueils à éviter absolument?

Il fallait que ça sonne le plus juste et sincère possible. Validé, c’est une plongée ultraréaliste dans le milieu du rap. Où les rappeurs jouent leur propre rôle, où le patron de Skyrock joue son propre rôle, où l’on tourne vraiment dans les locaux d’Universal, et où un tas de personnages sont clairement inspirés de gens qui existent ou ont existé. C’était ma recette. Après, sur cette base réaliste, il faut essayer habilement d’y rajouter de la fiction. Il faut aussi assumer ce côté-là! C’est ce qui fait que ça marche, qu’on a envie de regarder. J’ai insisté par exemple auprès des auteurs pour garantir la puissance des « cliffhangers » en fin d’épisode. Je les rendais fous avec ça..

Était-il aussi important d’éviter les clichés sur un milieu longtemps stigmatisé, encore souvent caricaturé?

En l’occurrence, j’ai l’impression que la stigmatisation du rap est un débat d’une autre époque. Quand j’en écoutais, ado, on se moquait de moi. Les gens pensaient que c’était un phénomène de mode, comme la tektonik. Mais aujourd’hui, c’est devenu la première musique de France. De grandes radios nationales se sont spécialisées dans ce courant musical. Gims remplit le Stade de France. Pour moi, le rap n’est plus du tout sous-représenté, ni singé.

Vous avez envisagé deux fins différentes pour la saison 1. Pourquoi avoir fait mourir votre héros principal?

C’est vrai qu’avec le succès, j’aurais pu repartir avec les trois mêmes personnages centraux. J’ai voulu prendre le contre-pied, faire dérailler le train qui était lancé. Quitte à mettre mes trois auteurs en PLS. Finalement, j’ai préféré faire mourir mon héros en « légende », comme Tupac. Même si, à travers ses deux potes, il reste le fil rouge de la saison suivante. Après, la question était de savoir comment revenir, et trouver une idée assez forte que pour me conforter dans ce choix. Il fallait proposer à nouveau un parcours extraordinaire. Or, en parlant d’une femme dans le rap, je savais que ce ne serait forcément pas ordinaire.

Parce que le milieu du rap reste misogyne?

Si c’est le cas, il ne l’est pas plus que le milieu du rock par exemple. Cela étant dit, il y a la réalité du marché: force est de constater qu’il y a peu de grandes stars du rap féminines, peu de gros succès. Certes, il y a la « jurisprudence » Diam’s. Elle a montré que c’était possible. Aujourd’hui, je suis convaincu qu’il y a une place à prendre. Moi, je mets un billet tout de suite sur Laetitia.

Comme avec Hatik, vous avez été chercher une néophyte pour le premier rôle.

Oui, tout à fait. Là, ce matin, ce sont les premières interviews qu’elle donne de sa vie. Pour elle, c’est un jour important. Au final, l’une des choses les plus réussies dans la série est d’avoir permis de faire découvrir de nouveaux talents. C’est peut-être ma plus grande fierté. On a lancé la carrière d’Hatik, de Bosh ( le tube Djomb , NDLR)… Et, aujourd’hui, la prochaine sur la liste, c’est Laetitia. C’est sûr, il va se passer quelque chose, c’est programmé. Parce qu’elle a le talent pour. Avec Saïdou ( Camara), c’est pareil. Au départ, il vit en foyer, travaille au McDo. Il est un peu désociabilisé, il a perdu sa mère, son père est dans l’alcool. Quand il arrive au casting, il tente la chance de sa vie. Après, tu vois ce qu’il envoie en prestation… Ça aussi, c’est beau de se dire que Validé a permis ça

DJ Snow, Brahim, Lalpha et William, en route pour la gloire.
DJ Snow, Brahim, Lalpha et William, en route pour la gloire.

Est-ce que le succès a aidé à avoir les guests, des rappeurs comme Rohff par exemple?

Bien sûr. Avec tout ce que ça implique de susceptibilités à ménager, entre ceux qui sont d’accord pour faire juste une apparition et d’autres qui attendent d’être mis davantage en valeur ( sourire). Après, ce ne sont pas eux les stars de la série. Mais c’est un petit plus, c’est clair. Ils apportent la crédibilité dont on a besoin. Surtout, c’est un kiff de les avoir, de travailler avec des artistes qu’on aime écouter. Pour tout dire, concernant Rohff, il devait déjà figurer dans la première saison. Mais il a été incarcéré au moment du tournage. C’est aussi ça, le milieu rap…

Comme quoi, même en remplissant des stades, il ne s’embourgeoise pas complètement. Un des personnages affirme d’ailleurs dans la série que  » la galère, ça ne s’arrête jamais« .

Dans le milieu du rap, c’est assez vrai. C’est des énormes guerres d’ego, avec parfois des gens qui viennent de milieux sociaux compliqués. Ils continuent de porter ça avec eux. Même s’ils se retrouvent à discuter avec des mecs en costard dans de beaux bureaux. C’est d’ailleurs aussi ce mélange qui est intéressant… En l’occurrence, Rohff a une histoire particulière, et une « street cred » très importante. Clairement, il prend un risque en participant à la série, il le sait. C’est pour ça que je suis très reconnaissant par rapport aux rappeurs qui acceptent de jouer le jeu. Ils savent qu’on n’hésitera pas à leur tomber dessus, dans un milieu où les critiques sont souvent très virulentes.

Cette nouvelle saison fait plusieurs incursions à Marseille. Un passage obligé?

Oui, dans le sens où c’est en train de devenir la nouvelle capitale du rap. On va bien finir par récupérer le titre à un moment. Mais pour l’instant, on a le PSG, ils ont le rap ( sourire). Et puis Marseille c’est un peu notre Miami. C’est une lumière différente, des expressions, des gueules. Ça donne un respiration géniale à la série quand on part là-bas. Il s’y passe des choses étonnantes…

À un moment, le personnage de Lalpha explique rêver d’une collaboration avec Damso. Bruxelles est-elle la prochaine étape?

Je dois faire des choix. Mais c’est évident qu’il faudrait aller y tourner. La scène belge est très importante. Quelqu’un comme Hamza, par exemple, aurait complètement sa place. Il y a plein de choses à raconter. Disons que je prends une option ( sourire) . Après, j’ai pris la décision de faire une pause. Il fallait répondre à l’engouement de la saison 1 et écrire rapidement une suite. Mais Validé ne peut pas devenir ma vie. Je ne veux pas non plus prendre le risque de décevoir, ou que Validé devienne une espèce de cash machine qu’on livre une fois par an, coûte que coûte. Donc voilà, on lève le pied, rien ne presse. Vous savez, ce n’est pas un bateau facile à piloter. Il y beaucoup d’egos, des tempéraments chauds, le revers de la médaille du succès étant que certains comédiens se rendent compte tout à coup que cette série peut les faire exploser. Ça rend un peu fou parfois. J’ai passé mon temps à régler des tas de problèmes qui étaient souvent extra-artistiques. Tout cela coûte pas mal d’énergie. Du coup, ce n’est pas inutile de calmer un peu le jeu…

Validé (saison 2), une série créée par Franck Gastambide. Avec Laetitia Kerfa, Saïdou Camara, Brahim Bouhlel. Dès le 04/11 sur Be1.***(*)

Les Lascars (1998-1999)

À la fin des années 90, la série d’animation culte a enquillé une soixantaine d’épisodes très courts (entre 1 et 2 minutes), répartis sur deux saisons. Créés par un collectif d’activistes hip-hop de la première heure (IZM, El Diablo, etc.), Les Lascars vannent tout ce qui passe dans leur viseur, avec une tchatche banlieusarde savoureuse. Et les voix de plusieurs stars du rap (Diam’s, Rocca, etc.).

Validé revient pour une deuxième saison: rencontre avec son réalisateur Franck Gastambide

De l’encre (2011)

Bien avant le personnage de Lalpha, une autre série française a choisi de placer une rappeuse au centre de son intrigue. En 2011, Hamé et Ekoué, leaders de La Rumeur, réalisent De l’encre, trois épisodes de 26 minutes. Où Nejma (jouée par Karine Guignard) accepte de devenir la nègre d’un rappeur/slammeur très consensuel, afin d’aider sa mère (Béatrice Dalle) à rembourser ses dettes.

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Bloqués (2015-2016)

Flemmards professionnels, Orelsan et son camarade Gringe enfilent les traits de philosophie potaches, enfoncés dans leur canapé, en attendant que « quelque chose se passe ». Avec son dispositif filmique basique (un plan fixe) et son décor minimaliste de coloc’ bordélique, les 120 capsules de Bloqués sont une ode drolatique à l’art de la glande et de la procrastination.

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Caïd (2021)

La réponse de Netflix à Validé? En mars dernier, la plateforme diffusait les dix épisodes de la première saison de Caïd. Tournée sous la forme d’un faux documentaire (found footage), la série suit Franck et Thomas, réalisateurs partis rencontrer Tony, un jeune rappeur marseillais. Censés tourner son prochain clip, ils se retrouvent au centre d’un règlement de compte entre gangs de quartier.

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