Swing, c’est du belge

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Une double compilation pioche dans les grands noms du jazz belge des fifties-sixties. Résultat: une sélection qui donne des fourmis dans les jambes.

Divers

« Let’s Get Swinging: Modern Jazz In Belgium 1950-1970 »

Distribué par Sdban.

8

Voilà une compilation qui tombe à point. Quitte à fêter cette année les 100 ans du jazz, autant en profiter en effet pour jeter un coup d’oeil à la manière dont on a pu le pratiquer par ici. Ce n’est pas un scoop: très tôt, le jazz américain a su trouver son chemin jusqu’en Belgique, parmi les premiers pays sur le Vieux Continent à s’intéresser au nouvel idiome musical afro-américain.

En courant sur une double décennie, Let’s Get Swinging tape large. Concoctée par le label Sdban, la sélection suit néanmoins une certaine logique. Elle est raccord avec le catalogue maison. Lancée par le DJ Stefaan Vandenberghe, l’enseigne s’est donné en effet pour première mission de creuser une histoire du groove à la belge. Après avoir par exemple sorti une première anthologie baptisée Funky Chicken, remis en selle l’organiste André Brasseur, ou, plus récemment, mis à l’honneur la carrière éclectique de René Costy, Sdban propose ici une toute première sélection purement jazz. Où l’objectif n’est pas tellement d’être exhaustif, ni représentatif. Mais bien de mettre l’accent sur la piste de danse, cherchant moins à faire plaisir aux spécialistes pointus -qui tiqueront probablement devant l’intitulé de la compilation- qu’aux amateurs de be bop/hard bop/cool juteux.

Do the bop

Orienté, Let’s Get Swinging pioche néanmoins dans la production de tous les cadors belges de l’époque. Hormis Toots, déjà largement célébré par ailleurs, ils sont à peu près tous là, à commencer par l’Anversois Jack Sels, qui jouera aux côtés de Dizzy Gillespie, et qui ouvre ici le feu avec le tribal African Dance (avant de réapparaître notamment plus tard avec Lucky Thompson). à Liège, c’est un autre Jacques, Peltzer, qui allume l’incendie, apparaissant à trois reprises (dont le standard Work Song, signé Oscar Brown Jr, repris entre autres par Nina Simone, et qui servira au Sing Sing de Nougaro).

Ces musiciens sont les héros d’une époque où le jazz devait batailler pour se faire entendre. Après la guerre, le virus swing que les big bands avaient contribué à répandre laisse en effet place à une autre esthétique. à New York, des formations plus modestes ont pris le relais, en proposant une nouvelle manière de jouer le jazz: plus libre, plus spontanée, plus virtuose aussi. Une partie du public lâche prise. La plupart des musiciens belges, fans de la révolution menée par Charlie Parker, Thelonious Monk ou encore Miles Davis, devront d’ailleurs partir bosser ailleurs, en France, en Angleterre ou directement aux états-Unis. C’est le cas par exemple du guitariste René Thomas ou du saxophoniste-flutiste Bobby Jaspar. On les retrouve côte à côte sur le morceau Bernie’s Taste, virée hard bop, tirée de leur effort commun From Rome To Comblain, sorti en 1962. Ailleurs, on retrouve encore Pol Sadi Lallemand, Francy Boland, un tout jeune Philip Catherine, ou même l’Américain Jon Eardley, exilé en Europe dès 1963, qui décédera du côté de Verviers en 1991.

De quoi réussir une compilation assez irrésistible dans le genre, qui montre que, si la Belgique n’a pas inventé la mèche jazz, elle a toujours très bien su comment l’allumer.

Laurent Hoebrechts

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