Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

LE GÉNIAL MADLIB FILE DES PRODUCTIONS SUR MESURE AU RAPPEUR FREDDIE GIBBS. UN DISQUE DE GANGSTA RAP WEST COAST AUX GROOVES SOMBRES ET MÉCHAMMENT CLASSIEUX.

« Pinata »

Freddie Gibbs & Madlib

DISTRIBUÉ PAR MADLIB INVAZION/ V2.

8

En 2004, le producteur Madlib faisait équipe avec MF Doom, le mystérieux rappeur au masque de fer. Sous le nom de Madvillain, la paire sortait l’insubmersible Madvillainy. Dix ans plus tard, le disque fait définitivement figure de classique du rap -récemment, Neneh Cherry en reprenait par exemple le morceau Accordion. Beats crapuleux de l’un, rap ombrageux de l’autre: la recette faisait des étincelles. Un vrai sommet de hip hop poisseux.

Depuis, Madlib (alias Otis Jackson Jr, 1973) a continué son travail de sape, collectionneur de sons et de grooves décalés, toujours à la recherche du sample qui fait mouche -voir sa série Madlib Medecine Show, qui fouinait aussi bien du côté des musiques brésiliennes qu’africaines ou du jazz… Hyper productif, il avait sorti un album l’an dernier sous l’alias Quasimoto (Yessir Whatever). Quelques mois plus tard, il revient déjà. De nouveau sous la forme d’un duo, mais cette fois en compagnie de Freddie Gibbs. L’association avec le rappeur de l’Indiana ne tenait pas forcément de l’évidence. Dès le morceau Scarface, pourtant, la combinaison coule de source. Le morceau a en outre l’avantage de poser directement le propos, si ce n’était pas assez clair. Gibbs, dont le grain et le flow rappellent par moments ceux de Tupac Shakur: « Ce disque est comme un film de gangster blaxploitation. »

California Love

La méthode de travail adoptée par les deux protagonistes est on ne peut plus souple. Madlib file les grooves, dans lesquels Gibbs pioche selon l’inspiration. Pas besoin de discuter davantage, le programme du jour est limpide pour tout le monde. (Cocaine) Pinata fait dans le rap west coast abrasif et paranoïaque. Un peu crâneur, un peu gangsta, sans jamais glisser dans la farce. Sans céder non plus à l’abstraction: quoiqu’il arrive, les productions de Madlib gardent cette souplesse, ce groove élastique et vénéneux, que vient régulièrement éclairer un échantillon soul (Robes, Shame, Watts… ).

La collaboration baptisée MadGibbs a par ailleurs le mérite de répondre parfaitement aux attentes générées par son titre. Avec ses 17 morceaux, Pinata ressemble en effet régulièrement à une grosse baudruche en papier mâché multicolore, remplie de surprises en tous genres. Les invités défilent, et quasi aucun faux pas. Sur High, c’est Danny Brown qui régale, parfait contrepoint au cool traînant de Gibbs. Rappelant vaguement une version plombée de California Love qui se serait perdue sur Only Built 4 Cuban Linx, Bom voit justement débarquer Raekwon du Wu Tang Clan. Sur le morceau éponyme de clôture, ils sont carrément sept à se partager le micro, dont Domo Genesis ou Mac Miller.

Malgré le casting pléthorique, Pinata réussit pourtant à ne pas se disperser, comme trop d’albums hip hop. Les vraies vedettes du disque restent en effet toujours Madlib et Gibbs, yin et yang d’un disque rap de première bourre.

LAURENT HOEBRECHTS

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