Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Prétendant doué à l’héritage de Desproges et Bedos, Guillon pratique l’humour au karcher avec un sens de l’incivilité éduquée. On aime.

Il a des phrases sympas le Guillon. Exemples:  » A force d’écrire des saloperies, on finit par en attraper » ou encore  » Aucune plaisanterie sur nos amis barbus, pour des raisons d’assurance-vie« . Celui qui se présente comme VIP d’un  » humour très noir mais légèrement couille molle » est affalé dans un canapé qui pourrait être de nature promotionnelle puisqu’il le partage avec sa chérie, également sa metteuse en scène. Dans l’univers gonflé de fric et de cabotinage de l’humour français, Guillon est le mec qui fait la tache qui nous plaît. Et ce, malgré quelques blagues belges qui sonnent potaches un quart de siècle après leur version coluchienne. On lui pardonne vu qu’à 45 ans, son ironie mordante a le talent de faire marrer nos mauvaises consciences, faisant aussi le bonheur des deux millions d’auditeurs accros à ses chroniques acides trois matins par semaine sur France Inter. C’est assez bon d’entendre Guillon annihiler le morne dimanche après-midi en se disant victime d’une druckérite prononcée. Ce fils de bonne famille de banlieue parisienne – mère marchande de tableaux, père économiste de référence – est de toute façon trop piquant pour Michel D.

Concentré d’humour noir

Mais il a trouvé un fructueux terrain d’exercice avec l’élection de Nicolas S.: » Les humoristes n’ont jamais eu autant de travail, Sarko, omni-président, hyperactif, c’est du pain béni. Maintenant, il se déplace uniquement très encadré, dans des villes mortes, loin des gens, ce qui était inimaginable du temps de Chirac. Et puis la télévision française marque une sorte de retour aux années Pompidou quand le pouvoir la chapeautait: désormais Sarko nommera lui-même le président de France Télévisions« . Curieux pays que l’Hexagone de l’humour où Guillon se laisse volontiers aller à parler d’événements sentimentalement dommageables:  » Je sais que quand je parle du crash d’un avion ou de la femme qui a congelé ses bébés, je risque de blesser les gens proches de l’affaire, mais je considère qu’être humoriste, c’est déranger, faire une sorte de sketch social, un exorcisme« . Ce père de trois filles est l’héritier en rupture (amicale, il voit toujours papa et maman) d’une famille éminemment catholique du côté paternel. Autre filiation, celle avec le grand ancêtre, expert en humour noir, Pierre Desproges (1939-1988).  » Ilétait plus lyrique et plus cultivé que moi, plus référentiel. Je suis plus lapidaire, sec, saccadé« . Le comique grinçant et saccadé se produit lui-même et défend aussi une certaine éthique des prix, entre quinze et vingt-cinq euros les places de spectacle. Il rêve, comme Bedos, de  » tenir sur la longueur » et applique dans son one man show corrosif le principe suivant:  » Le bonheur est le seul état qui ne présage rien de bien« . Une bien belle méchanceté ambulante ce Guillon.

u One man show En avant la musique!, le 20 mars à 20H30 au Théâtre 140 à Bruxelles, www.theatre140.be

Philippe Cornet

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