ANCIEN TAILLEUR DE PIERRES, DALE BARCLAY RÉVEILLE UN ROCK ÉCOSSAISSOMBRE, TEIGNEUX ET PROLÉTAIRE AVEC SES AMAZING SNAKEHEADS. BIRTHDAY PARTY AU PAYS DE TRAINSPOTTING…
« Music changed my life. » Celle-là, on l’a entendue à toutes les sauces. Du petit homo qui punaisait des posters de George Michael sur les murs de sa chambre au fils à papa qui s’est rebellé et a abandonné ses rêves de polytech pour faire du rock de poseur… Dans la bouche de Dale Barclay, ces mots prennent davantage de sens. Gueule de hooligan ou disons de pilier de comptoir, celui d’un pub défraîchi aux pires toilettes d’Ecosse, Dale a l’accent prononcé des fins fonds de Glasgow. Trainspotting time…
« J’ai commencé à écrire des chansons à quinze piges. Pas dans l’idée de devenir un songwriter ou une putain de rock star. Ça me faisait juste du bien, raconte-t-il en mai dernier sur la terrasse du Botanique quelques heures avant son concert des Nuits. Dans le monde et la famille desquels je viens, devenir musicien n’a jamais été une option. C’est pas vraiment le genre de métier qu’on prend au sérieux. Mon père est tailleur de pierres. Je bossais avec lui alors que j’allais encore à l’école. J’ai terminé à seize ans et j’ai commencé à travailler à ses côtés. Je n’ai jamais envisagé de poursuivre les études. Chez nous, tu devais trimer. Gagner ta croûte. Ça m’a pris du temps de réaliser que je pourrais vivre de la musique. »
Gamin, Dale est bercé par celle qu’écoute son paternel. Johnny Cash, Hank Williams, Chuck Berry… « Le premier album que j’ai usé, c’était un Greatest Hits de Hank. Puis, il y a eu Sam Cooke. Je ne suis pas un grand fan de live enregistré mais son disque au Harlem Square Club est incroyable. Sam est dans son élément. Une merveille. A Man Needs A Woman de James Carr a quelque chose de très particulier pour moi également. Carr était bipolaire. Ça a perturbé sa carrière. Il a même tourné après des overdoses d’antidépresseurs… »
Le jeune Barclay aime aussi Leonard Cohen. Le « fucking » Gris-Gris de Dr. John. « J’étais tout petit mais c’était complètement dingue. Je me suis demandé d’où venait ce truc. J’entendais les serpents… » Forcément suivent The Birthday Party, Nick Cave, les Cramps. Passionné, Dale cherche, fouille, lit… « Fallait que je sache tout. Qui étaient ces putains de types? Où avaient-ils enregistré? Ça m’a rattrapé à l’adolescence. Il y avait des tas de magasins de disques à Glasgow. Comme je n’avais pas beaucoup de fric, je courais les boutiques de seconde main. »
En même temps, il apprend en secret à jouer de la guitare. « Je grattais dans ma chambre le moins fort possible. Je ne l’avais dit à personne. Ça avait quelque chose d’embarrassant. »
« Je ne crois pas les compliments »
« Pendant des années, j’ai quand même écrit des pages et des pages de sombres merdes. » Dale a le rire bruyant du pub. Celui qu’on accompagne souvent d’une claque dans le dos. Avec ses vieux potes William Coombe (bassiste et facteur) et Jordon Hutchison (batteur et cuistot), il s’est fait les dents dans les troquets et clubs de la ville. « Il y a plein d’endroits où tu peux voir des concerts ou en donner à Glasgow. Au début, personne ne voulait de nous. On a commencé dans un bar restaurant. On avait convaincu le patron de nous laisser jouer si on débarrassait les tables. » C’était il y a pratiquement cinq ans maintenant. Les voies de la musique peuvent parfois sembler impénétrables. « A l’époque, on ne s’imaginait pas jouer ailleurs. Pas plus qu’on ne se voyait enregistrer un album. »
Découvert par le label Domino (Franz Ferdinand, The Kills, Arctic Monkeys…) et révélé par un single expéditif et furieux (Testifying Time) de 66 secondes -« Laurence Bell est passé une, deux, trois fois à Glasgow avant de vouloir nous signer« -, The Amazing Snakeheads a enregistré son disque de nuit, en deux semaines, au Green Door. Un petit studio analogique de banlieue où un autre fils spirituel de Nick Cave, Jacob Yates, avait mis en boîte il y a trois ans déjà un trésor caché, Luck, du rock écossais. « L’ambiance y est magique. Il n’y a pas de mauvaise idée au Green Door. Si quelqu’un pense à quelque chose, tu l’essaies. Tous les ego et autres conneries du genre restent à la porte. Sans Green Door, il n’y aurait jamais eu d’Amphetamine Ballads. J’espère que Glasgow habite ce disque même si ça n’a jamais été dans mes intentions de l’y mettre. »
Certains Ecossais attrapent des cheveux gris devant des matchs de foot. Barclay a vieilli dans des salles de concerts. « J’ai été voir tout ce que je pouvais. Tous les soirs de la semaine quand j’en avais l’occasion. J’aime cette expérience collective. J’ai un souvenir énorme d’un gig de Bettye LaVette. J’étais jeune. J’avais 17 ans. Je n’avais trouvé personne pour venir avec moi. C’était sur un ferry. Quelle claque. J’ai aussi vu James Brown. Deux semaines avant qu’il crève. Il a toujours été une référence ultime. Quelle niaque, quelle intensité. A mes yeux, tu dois te donner à chaque concert comme si c’était le dernier. Je ne crois pas les compliments mais quand je vois quelqu’un se perdre et devenir dingue pendant qu’on joue, je suis heureux. »
Tout aurait dû aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Sauf que le 15 juin dernier Barclay annonçait sur Facebook les départs de Coombe et Hutchinson. « William quit the band and Jordon knows why him and I are no longer friends. Fuck anyone who thinks otherwise. »
« Je ne vois pas l’intérêt du foot, du sport ou de la putain de politique, insistait-il en mai. Le temps est précieux. On en a très peu à passer sur cette planète et je suis déterminé à en faire bon usage. Ce qui m’amuse le plus, c’est de faire du rock. Je suis branché cinéma aussi. J’ai récemment maté l’Antichrist de Lars von Trier. Incroyable. Ce mec repousse les barrières et ça me plaît. Si notre disque était un film? Toy Story probablement… »
AMPHETAMINE BALLADS, DISTRIBUÉ PAR DOMINO.
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LE 15/08 AU PUKKELPOP.
RENCONTRE Julien Broquet
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