Smith & Burrows: « Sommes-nous un groupe, un duo, un Christmas act? »

Échange d'initiales pour Tom Smith (à gauche) et Andy Burrows.
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Sous le nom Smith & Burrows, le chanteur des Editors et l’ex-batteur de Razorlight taillent un beau costard pop dans Only Smith & Burrows Is Good Enough. Entretien et critique.

« Ils peuvent faire des interviews, mais après 20 heures, UK time. » Première rencontre conditionnée à l’heure de mise des enfants au lit. C’est Andy Burrows qui apparaît en premier par Zoom, un verre de blanc à la main. D’une première interview londonienne à la sortie de son second album solo en 2012, on a retenu un physique qui ne correspond pas forcément aux chansons. Un petit air viking portant des mélodies accrocheuses et fluides, comme celles de l’album Company, arrache-coeur mélancolique dans les impeccables If I Had a Heart ou Somebody Calls Your Name. Verdict du polygraphe émotionnel: langueur et spleen en phase tonique. Dans un monde normal, ces pop songs anglaises aurait dû squatter les radios internationales. Batteur-compositeur de Razorlight entre 2004 et 2009, Andy a quand même goûté le nectar suprême des charts, avec America -dont il est co-auteur-, n°1 en Grande-Bretagne à l’automne 2006. Outre d’autres projets collectifs titrés I Am Arrows et We Are Scientists, le lookalike hippie de Winchester a mené des collaborations avec, entre autres, Ricky Gervais et Mark Ronson. Mais l’événement-phare de la vie artistique de Burrows se joue à Glastonbury en 2005, où se produisent Razorlight et The Editors: c’est le coup de foudre amical mutuel entre lui et Smith, chanteur du groupe qui a rempli le Sportpaleis en 2018. Les deux quadras habitent le même coin du nord de Londres et sont aujourd’hui parents de jeunes enfants dont ils célèbrent en commun les anniversaires.

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Surtout, fin 2011, Smith & Burrows proposent un « album de Noël », Funny Looking Angels. Le plus beau titre du lot, When the Thames Froze, digne d’un A Whiter Shade of Pale 2.1, inexplicablement ignoré au Royaume-Uni, taquine malgré tout les charts belges et hollandais. « Je crois que le manque de succès chez nous, suggère Tom Smith, est venu du fait qu’un membre des Editors et un ex de Razorlight faisaient ensemble un album acoustique de Noël, ce qui est ridicule (sourire). Mais à chaque période de Noël, on reçoit des messages positifs de gens qui nous disent que le disque évoque toujours quelque chose pour eux. Le fait que ça repasse en radio depuis une décennie représente au fond un plus grand succès que nous n’aurions pu l’imaginer. »

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Top of the Pops

Il aura donc fallu une décennie pour que le duo se remette ensemble à la musique. « ça a franchement pris plus de temps que je ne pouvais le penser, explique Burrows, parce qu’il est sans doute difficile de mettre en studio deux personnes qui ont autant de projets. Personnellement, j’ai par exemple travaillé avec Ricky Gervais, notamment pour le (très drôle, NDLR) mockumentary David Brent: Life on the Road, où je jouais de la batterie dans son groupe et pour lequel j’ai écrit la musique. Et puis on se posait des questions sur la nature de notre travail commun: sommes-nous un groupe, un duo, un Christmas act? Notre union a toujours été naturelle, faisant d’abord passer l’amitié au premier plan. » N’empêche, Only Smith & Burrows Is Good Enough fait partie de ces galettes sucrées mais pas trop, bios sans arnaque. Si cette pop était du roc, ce serait une pierre poncée ou un jardin japonais. Entre prêt-à-écouter et haute couture. Sinon, le scénario de la confection du second album est classique: maquettes élaborées au fil du temps dans le home studio de Tom, écriture collaborative des deux loustics et sève qui monte inexorablement vers la concrétisation d’un album. Tom: « Dans certains titres comme Aimee Move On ou All the Best Moves, il y a le sentiment de tailler une route dans la pénombre. C’est-à-dire de vouloir échapper aux ruminements maussades de son propre esprit, d’accepter que, soudain, un éclair te ramène à une certaine rationalité. Les longues promenades solitaires ne sont pas forcément une bonne idée. La seule compagnie de soi-même, non plus. »

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L’album évoque l’expérience de tout jeune Anglais -disons de moins de 70 ans…- dans Old TV Shows, chanson de qualité beatlesienne qui rappelle combien la télévision britannique a constitué via ses différents shows musicaux la madeleine de plusieurs générations de spectateurs comme de musiciens. Andy: « Des shows comme Top of the Pops ou The Word donnaient une fenêtre sur un monde où les pop stars semblaient venir d’une autre planète, intouchables. Le vendredi soir devant la télé, je voulais devenir l’un de ces mecs de la britpop. ça allait de pair avec la lecture du NME et des confrontations entre Blur et Oasis. » Mais pourtant Smith & Burrows ne traîne aucun tic de Liam Gallagher ou de ses semblables: pas de délires twittés, pas d’injures publiques, pas de frasques extraconjugales ni de frère ennemi endémique. Si Andy Burrows cite un choc biblique -voir à quatorze ans Blur interpréter Boys & Girls à The Word-, cela ramène aussi du bon sens. Celui, bien trop caché aujourd’hui, que Smith & Burrows est vraiment l’une des meilleures ressources actuelles de l’éternel pop anglais.

Smith & Burrows – « Only Smith & Burrows Is Good Enough »

Distribué par PIAS. ****

Smith & Burrows:

Album enregistré en 2019, il n’est a priori pas sous influence corona. Pourtant, ces dix titres bouclés à Nashville en six semaines portent du réalisme sous couvert d’enveloppes musicales archi-mélodiques. Mené sous le sceau de l’aventure et de l’amitié, le disque se ressent aussi comme conséquence de l' »optimisme » américain, face à l’endémique cynisme anglais. Sur ce second essai, le duo élargit son spectre musical: Buccaneer Rum Jum flirte avec les Caraïbes, Parliament Hill s’imprègne de gospel, I Want You Back in My Life donne un gros kiss à Motown. Sans jamais -et ce n’est pas rien- que le style d’harmonies et de mélopées veloutées ne soit intimement du pur Smith & Burrows. À tenter, vraiment.

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