Critique

Russian Doll sur Netflix: « Tout ce qui ne nous tue pas… »

© Netflix
Nicolas Bogaerts Journaliste

Alliant drôlerie et fabliau métaphysique, Russian Doll dépasse le comique de répétition pour donner toute sa valeur à l’existence.

« L’univers se fout de ma gueule, mais je refuse de me laisser faire! » Nadia hurle au beau milieu de la soirée d’anniversaire que lui organise sa copine Maxine. L’origine de cette fureur contre les forces de l’invisible? Cela fait deux fois qu’elle meurt au cours de la nuit pour revenir vivante, exactement et systématiquement au même moment, au même endroit, à la manière de Bill Murray dans The Groundhog Day (1993). Nadia se réveille dans les toilettes de Maxine, face à son reflet dans le miroir, avec Gotta Get Up de Harry Nilsson en guise de réveil.

Kabbale

Russian Doll sur Netflix:

Durant les huit épisodes de cette nouvelle série Netflix, Nadia, sa tabagie frénétique et son cynisme corrosif et colérique en bandoulière, va devoir trouver la sortie du cycle infernal de cette vie de Sisyphe. Tout se complique encore lorsque Alan, un jeune maniaco-dépressif cocu, lui aussi pris dans une similaire boucle temporelle mortifère, vient croiser le chemin de Nadia. Au lieu de devenir une deuxième inconnue encombrante, il se fait allié, les deux découvrant que leurs lignes de vie sont singulièrement liées. En revisitant à répétition leurs dernières 24 heures et leurs possibles alternatives, ils tentent de trouver le point nodal à partir duquel a été lancée la boucle infernale, comme une griffe sur le microsillon ou, mieux, un bug caché dans le code de l’existence. Russian Doll, à la manière des poupées russes qui lui donnent son titre, enlève les couches de cette complémentarité forcée pour trouver le coeur d’un récit poignant, drôle, cruel, kabbalistique, capable de s’abreuver de styles très différents mais formant un tout cohérent, parfaitement rythmé.

Miroirs

La série est la créature de l’actrice Natasha Lyonne (Orange Is the New Black), qui elle-même a dû ferrailler, durant sa carrière, contre plusieurs démons et une tendance à l’auto-destruction. Elle y incarne superbement Nadia dans ce troublant jeu de miroirs, introspectif mais curieusement vivifiant. Le show montre les limites des conduites autarciques, égotiques, cyniques, mensongères, et les miracles qu’accomplissent le pardon, l’acceptation de soi et de l’autre dans le reflet mutuel qu’ils s’adressent. En dressant la liste des précipices au bord desquels nous dansons, des épreuves qui nous façonnent, Russian Doll semble de prime abord enfoncer le poncif qu’est devenue la célèbre citation de Nietzsche, « Tout ce qui ne tue pas rend plus fort » (Le Crépuscule des idoles, 1888) avant de lui faire dire: tout ce qui ne tue pas nous laisse tout simplement en vie.

Russian Doll, une série Netflix créée par Natasha Lyonne, Amy Poehler ET Leslye Headland. Avec Natasha Lyonne, Greta Lee, Yul Vazquez. ****

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