Ronquières J2: festival post-dadaïste

© Eléonore Verleyen

Plus de monde que la veille pour cette deuxième journée de festival. Et un public diversifié, à l’image de la programmation. La fanbase de IAMX à bâbord, les groupies de M. Pokora à tribord. Entre les deux, se dressant tel un fossé, le plan incliné.

12.000 personnes pour cette première édition du Ronquières festival. 5.000 le samedi contre 7.000 le dimanche. M. Pokora plus rassembleur que Peter Doherty? Le rap déchaîné de Joey Starr et 1995 ou les ballades gentillettes de Jali et Noa Moon? Pas de la pure rhétorique, mais des questions qui vont demander des réponses. Réponses qui s’avèreront cruciales pour la tournure que prendra le Ronquières Festival dans les prochaines années. L’éclectisme peut être une bonne chose. Mais comme toute bonne chose, il a ses limites. Le passage brusque de l’electro rock conceptuel de IAMX aux chorégraphies « kameloualiennes » de M. Pokora en est un bon exemple. Ce nouvel arrivé ambitieux va devoir se choisir une ligne directrice. Ou alors carrément décider de pousser plus loin l’absurdité de la programmation et se poser comme « premier festival post-dadaïste au monde ». On imagine alors déjà une affiche où se côtoieraient Napalm Death et Hélène Rolles, les One Direction et BB King, Prodigy et Julien Clerc, André Rieu et Lady Gaga. Un must pour les amoureux de l’improbable et l’inouï.

Un concept que Julien Doré ne renierait sûrement pas. Enfant spirituel de Marcel Duchamp, l’ex « nouvelle star » est allé jusqu’à tatouer le nom de l’artiste sur sa poitrine. Showman par excellence, c’est un Julien Doré possédé qui s’est produit sur la scène tribord. Cheveux longs, yeux maquillés, le dandy au look androgyne lance des paillettes sur la foule. Ses poses suggestives renvoient aux grandes heures du glam rock, quand Bowie et Bolan étaient prophètes en leur pays. Dommage que les chansons n’arrivent pas à hauteur de la prestation scénique, car il y a du potentiel.

Sur la scène bâbord se sont succédés Triggerfinger et Milow. Si les deux se sont fait connaître du grand public par leurs reprises, respectives de I Follow Rivers et Ayo Technology, le premier s’est révélé bien plus consistant que le second. Les papys de Triggerfinger nous ont asséné une bonne décharge électrique. Fringués comme dans The Music Man, en costume à rayure, le power trio donne ici une grande leçon de rock’n’roll. La classe incarnée. Plus tard, Milow gagnera très vite la sympathie du public. On sera touché par ce garçon charmant et humble, mais moins par sa musique, trop sirupeuse pour nous ébranler.

C’est sous la pluie qu’on retrouve les Brigitte sur la scène tribord. Comme de nombreux festivaliers, on s’éloigne de la scène pour profiter de l’abri offert par le plan incliné. Intriguant au premier abord, grâce à une esthétique très travaillée, le duo lasse très vite. En tout cas pas de quoi braver la pluie. Pendant que la plupart des gens s’abrite ou assiste au concert des Brigitte, une poignée d’illuminés attendait sous la drache la venue d’IAMX devant la scène bâbord. Pour avoir déjà jeté une oreille à l’un ou l’autre morceau, on ne comprenait pas trop l’engouement de ces fans. Et puis arrive le concert en question et… c’est tout bonnement génial. Peut-être est-ce l’état neurasthénique dans lequel nous avaient plongé la pluie et la performance sous tranxène des Brigitte qui nous ferait apparaître toute once de dynamisme pour du génie. Ou alors, la perspective proche d’assister à une heure et demi de show de M. Pokora. Mais on se laisse totalement envahir par les beats electro de Chris Corner. A coup de rappels, le public enivré essaye de faire durer le plaisir le plus longtemps possible. Quelques morceaux plus tard, et après avoir foutu un beau boxon (tonneaux et instruments balancés au sol pour le plus grand plaisir du public), il faut bien se résoudre. C’est fini. The show must go on… direction M. Pokora.

Avec sa voix toute en sensibilité et ses textes touchants, M. Pokora parvient à nous transporter vers les sphères les plus hautes de la grande musique. Allez, un peu de sérieux. M. Pokora, comme on pouvait s’y attendre, c’est de la soupe pour les oreilles. Sa fanbase à lui est féminine et a entre 8 et 15 ans en moyenne. La musique c’est comme le vin, souvent ça s’apprécie avec l’âge. Les oreilles, comme les papilles gustatives doivent se développer. Reste qu’à cette période ingrate, on préfère le Fristi au bon vin, et M. Pokora à Metronomy. Rien de très grave, ça devrait passer. On regarde alors avec bienveillance et nostalgie ces gamines en extase devant Matt, se revoyant au même âge les mains pleines de singles de David Charvet et des Backstreet Boys. Là où le bât blesse, c’est quand « M. Pee » décide de massacrer à sa sauce le Hallelujah de Leonard Cohen. Laisser toutes ces gamines croire pendant encore quelques années que le blond peroxydé qui se tient sur scène est à l’origine de ce chef-d’oeuvre, c’est une offense à Léonard, et à la musique.

Valentine François (stg)

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