Critique

Rime, digne héritier d’Ico?

© Grey Box/Six Foot
Michi-Hiro Tamaï Journaliste multimédia

Si le sens de l’émerveillement et de la découverte se dressent comme le mantra de Rime, ce fils spirituel d’Ico peine toutefois à assumer son héritage.

Il y a seize ans, ICO réécrivait le rôle de l’architecture dans les jeux vidéo. La poésie sombre de ses donjons et la précarité de ses aqueducs stratosphériques y dessinaient des ruines monumentales désormais ancrées dans la mémoire collective du gaming. Démarrant sur une île bleu azur où des temples blancs s’érodent à côté d’hémicycles abandonnés, Rime se présente sans ambages comme l’héritier de l’oeuvre de Fumito Ueda (1). L’aventure sans dialogue, carte ni indication lorgne également du côté de Zelda et Journey. Un grand brassage à même d’élever l’idée de jeu d’exploration onirique?

Pour se tailler une crédibilité auprès des gamers, de nombreuses productions indés (l’écurie Devolver notamment) poussent leur difficulté dans le rouge. Tequila Works va à l’exact opposé de cette tendance sur Rime. Cliché du joystick, le réveil amnésique du gamer ouvre un périple onirique suggérant au joueur où aller et quoi faire sans texte. Trouver son chemin en observant l’environnement solaire du jeu puis en suivant un renard coule de source. Des énigmes simples sous forme de mécanismes à activer (pour ouvrir chaque nouvelle zone du jeu) tissent le canevas général du gameplay. Manette en mains, le périple zen détend.

Bercé par les toiles de Dali et de Joaquin Sorolla, Tequilla Works déroule de fait un monde paisible où l’on croise également les esprits fantomatiques du Voyage de Chihiro de Miyazaki. Nulle explication n’aide ces puzzles mais à force d’essais empiriques, la lumière pointe vite. Le cri du héro anonyme de Rime allume ainsi des orbes à activer dans un certain ordre. Sa voix fait également pivoter un système solaire miniature. Plus loin, on aligne une poignée d’éléments architecturaux pour former une illusion d’optique à travers des jumelles magiques. Déplacer une boule dans un cercle accélère également le cours de la journée et fait danser des ombres à superposer dans un ordre précis, sur un mur.

Marche forcée

Ces ébauches de bonnes idées jouent parfois sur le timing, notamment lorsqu’on se planque pour échapper à une menace aérienne en pleine résolution d’énigme. Les problèmes simples du début finissent par s’enchevêtrer mais l’entreprise ne bourgeonne pas. Les énigmes se répètent et l’intérêt se fane, notamment lorsqu’on allume une dizaine de statues éparpillées dans un pseudo labyrinthe d’escaliers.

Entre escalades périlleuses et déplacements sur des corniches, les phases d’exploration de Rime tentent bien de mettre en scène des paysages bouleversants. Mais le vide et l’ennui règnent. D’autant que nul lien d’attachement ne se créée entre le héro et le gamer. Le temps s’allonge. Les soupirs s’étirent. On parcoure en vain des kilomètres de couloirs et autres escaliers dantesques en colimaçons. Autrement plus talentueux sur Deadlight, Tequila Works rend au final un hommage à ICO et à Zelda gorgé de bonnes intentions mais il se contente de réciter maladroitement sa leçon, sans apporter sa propre pierre à l’édifice.

(1) Créateur japonais de renom et père de la vague indé à qui l’on doit également Shadow of the Colossus et The Last Guardian.

Édité par Grey Box / Six Foot et développé par Tequila Works, âge : 3+, disponible sur Nintendo Switch, PC, PlayStation 4 et Xbox One. ***

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