René·e aux bois dormants

René·e aux bois dormants est une oeuvre complexe, à l’image du parcours d’Elene Usdin, artiste dont c’est la première incursion en BD. Elle a été peintre pour le cinéma ( Pola X de Leos Carax), photographe de mode, et a réalisé récemment plusieurs reportages photographiques aux États-Unis, où elle séjourne régulièrement. Lors de ses derniers voyages, Usdin s’est imprégnée de la culture des Premières Nations canadiennes . Cela se ressent dans ce récit qui débute comme dans un rêve inspiré de l’univers d’Hayao Miyazaki -période Princesse Mononoké– et se poursuit dans celui de Panthère de Brecht Evens. René, petit garçon souvent dans la lune, part dans ses rêves à la recherche de son lapin Sucre doux. Il sera aidé dans sa quête par un géant au grand coeur, créature mi-homme mi-femme, et par Isba, déesse cannibale et divinatrice. Dans un premier temps, le lecteur est perdu dans les limbes, entre rêves et légendes autochtones. Peu à peu, la réalité y fait son incursion, révélant le tragique d’une situation inspirée par les rapts d’enfants amérindiens au Canada. Au-delà de l’horreur, l’autrice pose la question plus philosophique de la perception de la réalité qui change en fonction du point de vue et de la personne qui l’appréhende. Elle questionne aussi le genre. René petit garçon devient Renée petite fille pour approcher sans danger Isba, dévoreuse d’hommes. Cette analogie illustre le combat intérieur entre culture ancestrale et nouvelle identité occidentale que livrent ces enfants arrachés à leur famille. Partant des croyances non binaires des cultures amérindiennes, elle porte une revendication égalitaire… Si ce René·e aux bois dormants est graphiquement sublime, il pose également un regard subtil, original et intelligent sur un fait tragique.

René·e aux bois dormants

D’Elene Usdin, éditions Sarbacane, 272 pages.

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